Les tourments d’une jeune femme riche dans la bonne société new-yorkaise. Olivia de Havilland cerne la naissance d’un cogito féminin.
Catherine Sloper (Olivia de Havilland) est une jeune héritière vivant dans une riche demeure de Washington Square (le film est une adaptation du roman d’Henry James Washington Square) avec son père, veuf richissime qui la tyrannise depuis toujours.
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La jeune femme est timide, habituée à entendre de la bouche de son père qu’elle est sans qualités, ni belle ni intelligente, et donc impossible à marier. Lors d’un bal, elle fait la connaissance de Morris Townsend (Montgomery Clift), qui lui fait une cour assidue. S’ensuit la demande en mariage, mais l’homme est pauvre et le père refuse, doutant des intentions du prétendant.
Duo d’acteurs hybride
Wyler avait déjà mis son classicisme ample au service du woman’s picture, notamment en 1938 dans L’Insoumise avec Bette Davis. Sorti en 1949, L’Héritière donne le sentiment d’être sorti dix ans trop tard, d’être un film anachronique qui mêle le classicisme adamantin de L’Insoumise et, par le biais de Montgomery Clift, une brutalité sociale qui fait énormément penser à Une place au soleil (George Stevens, 1951).
Toute l’hybridité du film se situe d’ailleurs dans son duo d’acteurs : lutte entre la modernité dépouillée du jeu de Montgomery Clift et la vulnérabilité affligée de celui d’Olivia de Havilland. Bien que l’actrice ait reçu un oscar pour son interprétation, quelque chose frappe lorsqu’on la voit jouer : l’étrange impression que, pendant la grande majorité du film, son jeu est faux. L’actrice semble ne pas coïncider avec son personnage, l’enroule dans un excès de théâtralité qui ne disparaîtra que dans les dernières minutes du film.
La vérité de l’actrice et de l’héroïne
Cette fausseté gêne. Mais, dans un deuxième temps, elle est passionnante dès lors qu’elle se révèle comme un code du woman’s picture dont Catherine Sloper est l’héroïne type : d’abord un personnage vulnérable, sans attraits, une caricature de femme fragile, vampirisée par son entourage comme pouvait l’être Bette Davis dans Une femme cherche son destin (Irving Rapper, 1942) ou Ingrid Bergman dans Hantise (George Cukor, 1944).
Et tout le film suivra la lente et laborieuse trajectoire d’une conscience féminine, d’un cogito féminin qui émerge, qui ne s’envisage plus à partir de ce que la société et son entourage lui dictent mais, enfin, se pense par lui-même.
Dès lors, le jeu très affecté de de Havilland prend tout son sens : la justesse de l’actrice ne peut émerger qu’avec l’émancipation de son personnage, la vérité de l’actrice rejoint alors celle de l’héroïne.
L’Héritière de William Wyler (E.-U., 1949, 1 h 55, reprise)
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