La chercheuse Odile Fillod a modélisé le clitoris pour lutter contre la naturalisation des inégalités et des discriminations.
Au collège, voire au lycée, saviez-vous ce qu’était un clitoris ? De notre côté, une chose est sûre : si à présent elle n’a plus de secret pour nous (enfin, à peu près, restons modeste), zéro souvenir d’une mention, en classe, de cette partie de notre corps.
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Sans doute les recherches d’Odile Fillod nous auraient-elles été utiles à l’époque : en modélisant un clitoris à taille réelle imprimable en 3D, en 2016, cette chercheuse indépendante, qui souhaitait “contribuer à faire connaître la véritable anatomie du clitoris”, a permis de donner à voir, enfin, l’organe bulbo-clitoridien.
L’enjeu n’est évidemment pas seulement visuel
A la base destiné aux SVT ou à l’éducation à la sexualité en collège et lycée, cette ressource s’est, au final, avérée encore plus utile selon celle dont les recherches “visent notamment à mettre en évidence les biais sexistes dans les discours sur les différences biologiques femmes-hommes”. Sexologues, centres de planning familial ou encore personnes travaillant autour de l’excision s’en sont ainsi également emparés.
« Donner aux femmes une image mentale qui donne de la cohérence à leurs sensations”
Pas étonnant : de l’avis d’Odile Fillod, ce modèle 3D mais aussi son site Clit’info – lancé dans la foulée pour contrer “de nouveaux mythes savants qui ont, depuis les années 2000, émergé au sujet du clitoris dans la culture populaire” – ont répondu à “un manque assez criant et largement répandu” d’informations fiables sur le sujet.
Car l’enjeu que représente la connaissance de l’anatomie et du fonctionnement du clitoris n’est, évidemment pas, que visuel. Odile Fillod a, par exemple, voulu “contribuer à faire savoir que, pour le plaisir sexuel, le clitoris est l’équivalent du pénis : de même origine embryologique, constitué des mêmes tissus érectiles avec le même fonctionnement, c’est un organe complexe, étendu, orgasmogène dès la petite enfance, mais aussi principale zone érogène pour toute la vie”.
Un savoir essentiel pour “réduire l’inégalité femmes-hommes d’accès au plaisir en s’émancipant de scénarios sexuels androcentrés, trop souvent insatisfaisants pour les femmes, en les aidant à prendre leur sexualité en main et en leur donnant une image mentale qui donne de la cohérence à leurs sensations”.
Une ressource pédagogique féconde
Ce modèle 3D est donc une ressource pédagogique féconde : une meilleure connaissance du clitoris chez les enfants aide à déconstruire des stéréotypes sexistes. Odile Fillod, qui tient aussi un blog “d’observatoire critique de la vulgarisation”, Allodoxia, et publie régulièrement dans des ouvrages ou des revues, note plusieurs enjeux.
“Le premier, pratique, représente la normalisation de la masturbation féminine dès l’enfance, qui joue un rôle dans le développement du potentiel de plaisir sexuel. Ensuite, connaître l’anatomie et le fonctionnement du clitoris aide aussi à lever la pression mise sur les hommes à être performants avec leur pénis, indue et néfaste pour tous et toutes.”
Enfin, un autre aspect, “symbolique” cette fois, serait “non négligeable”, en ce qu’il introduit l’idée que la sexualité des femmes et des hommes n’est pas, par essence, asymétrique. Etre plus et mieux informé sur le sujet permet en effet d’être conscient que “les femmes ne sont pas ces êtres dépourvus de phallus, dont la forme de l’organe sexuel présumé (le vagin) les destinerait par nature à l’accueil du désir de l’autre, à la réceptivité plutôt qu’à l’activité”.
Celle dont la démarche générale est de “lutter contre les idées fausses, ou à tort prétendues établies scientifiquement, contribuant de ce fait à naturaliser des inégalités et des discriminations” a travaillé avec l’équipe de Matilda, une plateforme de vidéos pédagogiques.
Un seul manuel scolaire représente correctement le clitoris
A l’heure où un seul manuel scolaire, aux éditions Magnard, propose un dessin “correct, en petit, au sein d’un schéma de l’appareil génital” du clitoris, la chercheuse rappelle que son absence dans les livres “s’explique essentiellement parce qu’il ne sert qu’au plaisir sexuel des femmes, sans jouer aucun rôle dans le processus de reproduction”. Sick sad world. Les travaux d’Odile Fillod s’avèrent ainsi d’autant plus salutaires : ils sont un petit pas pour le clitoris, et donc un grand pas pour l’humanité.
Vu par Vincent Lacoste
“J’ai été frappé par l’idée d’Odile Fillod de représenter le clitoris en 3D. A l’école, il y a une inégalité dans la représentation anatomique des appareils génitaux masculin et féminin. Ça m’a donné envie de lire une enquête sur la façon dont l’éducation fabriquait du sexisme et le travail de ceux qui essaient de le déjouer.”
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