Ce gamin des townships a attiré l’attention de Diplo et Beyoncé. Et a participé à la démocratisation de la house sud-africaine à l’échelle mainstream. Rencontre à Marrakech.
Même à des milliers de kilomètres, quelques minutes avant son concert au festival Oasis à Marrakech le 13 septembre dernier, difficile pour Dj Lag de passer sous silence les heures sombres que vit l’Afrique du Sud, actuellement frappée par des émeutes xénophobes. « Beaucoup de mes amis viennent du Nigeria ou de Zambie et subissent de plein fouet ces attaques. La scène gqom nous permet à tous de nous rassembler« , glisse-t-il dès le début de l’entretien.
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« C’est du fun, de la danse !«
Quand on lui demande si sa house minimaliste bricolée sur Fruity Loop est politique, le producteur lève les sourcils avant de s’écrier : « c’est du fun, de la danse ! » Ce mouvement électro né dans les rues de Durban, en Afrique du Sud, courant 2006-2007, est avant tout une musique libératrice. « C’est tout ce qui nous reste, la musique, pour nous libérer des pressions sociales et raciales« , ajoute de son côté Amahle Imvelo Jaxa, une festivalière tout droit venue de Johannesburg pour vibrer au son des percussions électroniques (« gqom », étant une onomatopée en langue xhosa et zouloue évoquant une frappe de tambour).
Initialement, on doit la naissance du courant aux « taxis kick », qui avaient pour habitude d’installer d’énormes sound systems dans leurs véhicules pour attirer la jeunesse en sortie de boîte. Mais c’est sous l’impulsion des kids des townships que le genre a fini par exploser. Parmi eux, un certain Lwazi Asanda Gwala, de son vrai nom, originaire du bidonville de Clermont, à Durban. Il y a dix ans pourtant, l’adolescent d’alors – biberonné au rap sud-africain d’Okmalumkoolkat – était encore un inconnu du public local. « J’ai commencé à mixer à 14 ans au club Uhuru, dans mon quartier. Le boss me laissait un créneau de 17h à 20h et il n’y avait personne !« , s’amuse celui qui fête en ce premier jour de festival ses 24 ans. Depuis, Dj Lag a fait du chemin. Séoul, Atlanta, New-York, Paris, Cracovie… Il est de tous les festivals internationaux. Sa musique ne vous dit peut-être pas grand-chose, pourtant ses boucles répétitives aux accents métalliques ont été adoptées par ceux qui dominent le paysage de la musique dancefloor. A commencer par Major Lazer (sur le morceau Orkant/Balance Pon It à plus d’1,7 millions de vues).
Un son brut et industriel
Si ces adaptations libres et mainstream ont aidé à la démocratisation du genre, l’adepte des prods underground – d’abord diffusées sur WhatsApp – regrette le son brut, industriel et noir des débuts. « Je suis old fashion. Le tournant techno emprunté par Distruction Boyz (N.D.L.R. : duo originaire de Durban) ne me parle pas, même si je respecte leur travail. C’est trop mélodique. Je veux réinstaller le son que font les pas de danse sur les toits en tôle ondulée de Durban. C’est ça, l’essence de la gqom« , décortique-t-il, alors qu’il vient pourtant de signer son dernier EP, Uhuru (en référence au club dans lequel il a fait ses classes) sur le label Good Enuff de Diplo. « Cette collaboration est énorme pour moi et l’histoire de la gqom music« , reconnait-il.
Mais s’il y a bien une scène que Dj Lag veut défendre, c’est celle du continent africain. Janvier 2019, il signe deux productions sur la compilation The Lion King : The Gift aux côtés des dignes représentants de l’afrobeat nigérian : Tekno, Yemi Alade, Burna Boy, Tiwa Savage, Mr Eazi… Un album imaginé par Queen Bey, herself, inspiré du film Le Roi Lion. « Beyoncé avait utilisé un de mes tracks lors du concert hommage à Nelson Mandela en Afrique du Sud le 2 décembre 2018. Le lendemain, son management m’appelait pour que je lui produise des sons. J’en revenais pas« , se souvient-il. Une belle ouverture pour Lag qui rêve de travailler avec les rois de la naija pop, Wizkid ou encore Davido, en faisant se fusionner les genres.
DJ Lag sera en concert au Hasard Ludique, à Paris, le 31 octobre, dans le cadre du festival festival Nyokobop (du 21 octobre au 22 décembre) – Toutes les infos par ici.
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