De Godard à Scorsese, de l’horreur aux orgies, les Rolling Stones ont souvent croisé la route du cinéma. Morceaux choisis et analyse.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
En près de quarante-cinq ans de carrière, les Rolling Stones ont croisé souvent la route du cinéma, du patient travail d’enregistrement dans le One + one de Godard au concert filmé du Shine a light de Scorsese aujourd’hui, en passant par l’envers effroyable du rock dans Gimme Shelter des frères Mayles. De fictions en essais documentaires, l’apparition du cirque stonesien revêt à chaque fois un traitement et un résultat différent.
[attachment id=298]
1968
One + one / Sympathy for the Devil
De Jean-Luc Godard
Rencontre au sommet entre deux icônes de la contre-culture, de la modernité et des années soixante – comme deux grands fauves se reniflant à légère distance. Toujours à contre-courant des attentes, Godard filme les Stones en studio, saisissant l’éprouvant et patient labeur de l’enregistrement de la chanson mythique, Sympathy for the devil. Le cinéaste regarde donc des gens au travail, capte leur effort, leurs conflits, aboutissant à ce beau paradoxe : pour accoucher de la fulgurance, il faut en passer par une longue et difficile gestation. One + one, grand film analytique et démythifiant.
[attachment id=298]
1971
Gimme Shelter
De David Maysles et Charlotte Zwerin
LE Stone-film en majesté (satanique). Portant le titre d’un immense classique stonien (mais que l’on n’entend pas dans le film), filmé pendant la mythique tournée américaine 69 (celle qui donnera le grand live Get Yers Yers Ya’s Out), Gimme Shelter (donnez-moi un abri) est un docu détourné par la réalité. En l’occurrence, le gigantesque concert gratuit d’Altamont (près de San Francisco) où les Stones seront dépassés par un service d’ordre brutal assuré par des Hells Angels défoncés et assisteront impuissants à l’assassinat d’un de leurs spectateurs. Les majestés sataniques sont prises à leur propre jeu, la chanson Sympathy for the devil se retourne contre eux. Habituellement superbe d’arrogance, Mick Jagger est ici livide, tenaillé par la trouille et un violent retour de réel, en réel quête d’un abri. Documentant le feu du rock à la pointe extrême de son risque, Gimme Shelter est aussi l’enregistrement live du terminus du grand rêve sixties. Enorme.
[attachment id=298]
1972
Cocksucker Blues
De Robert Frank
Un film (et une chanson) aussi légendaires qu’invisibles. Encore une tournée des Stones certainement mémorable – US 72, écoutable sur de nombreux pirates, et chroniquée par Robert Greenfield dans le magistral STP (« Stone Touring Party », édité en son temps par les Humanoïdes Associés). Lors de cette aventure de tous les excès (sexe, drogues et rock’n’roll à foison, violences et chantages des Hells…), le grand photographe helvète filme le Stones way of life, à tel point que Jagger, soucieux de son image, fera interdire le film. Il n’existe qu’une seule copie du film, possédée par Robert Frank, qu’il montre en de rares occasions plus ou moins clandestines. Le plus grand collector mystère du ciné-rock.
[attachment id=298]
1983
Let’s Spend the Night Together
De Hal Ashby
Tournée mondiale des stades 1982-83. Pas la meilleure période des Stones. Le groupe s’attife de fringues bariolées pour accroitre leur visibilité dans les arènes géantes et en conditions diurnes. Hal Ashby (Shampoo, Harold & Maude) filme cette tournée barnum avec les moyens adéquats, multiples caméras, grues et loumas à gogo. Le film comme la tournée expliquent pourquoi tant de fans se sont détournés des Stones, le groupe quittant les rives du rock pour celles, beaucoup moins excitantes, du cirque ou du monument historique.
[attachment id=298]
2008
Shine a Light
De Martin Scorsese
Après Godard et Robert Frank, une autre star des caméras regarde les Stones. Le groupe a encore pris quelques années dans la tronche mais le contexte intimiste du Beacon Theater semble leur réinjecter une bonne énergie. Si ce concert filmé n’a pas l’aura historique d’Altamont, ni le mystère sulfureux de Cocksucker Blues, les Stones y déroule leur répertoire avec une vigueur contagieuse. Nullement décisif cinématographiquement ou stoniennement, Shine a light est juste bonnard et c’est quand même pas mal.
{"type":"Banniere-Basse"}