A l’occasion de la sortie de « Sexy Dance 2 », dernière partie d’un dossier pour explorer le « film de danse », avec une sélection des dix meilleurs du genre.
1) La fièvre du samedi soir
De John Badham, 1978
Le meilleur film de danse est aussi, ça tombe bien, le premier et le plus célèbre. Le film de John Badham(Wargame, Tonnerre de feu…) dépasse largement son statut de film kitsch et culte, complet blanc et doigt pointé vers la boule à facettes, pour s’affirmer comme l’une des plus belles fables sociales que le cinéma américains des 80’s – il est vrai un peu chiche en la matière – ait donné. Tony/Travolta incarne avec une élégance inouïe la désillusion des jeunes prolos new-yorkais sur lesquels l’utopie flower power est passée comme le métro traverse les premiers plans du film : sans s’arrêter, from Brooklyn to Manhattan, en transit et en sens unique. La seule perspective de Tony, sa seule ambition, c’est de briller chaque samedi soir sur le dance-floor du 2001 ainsi, peut-être, de voir un jour l’admiration dans les yeux de sa mère. L’ascenseur social, Manhattan, Bowie et Clapton, tout ce qui est de l’autre côté du pont (sublime scène de banc, symétrique à celle du Manhattan de Woody Allen, mais côté Brooklyn), Tony s’en tamponne. Le pont est synonyme de passage (les virées sur le Verrazano bridge) mais aussi de prison, abîme définitive du rêve américain, dans une dernière scène déchirante. L’essentiel est de rester vivant – staying alive.
Jacky Goldberg
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2) Footloose
De Herbert Ross, 1984
Footloose est à ranger aux côtés des films de John Hughes(The Breakfast Club, Sixteen candles) dans la vague de teen-movies délicats et indolents, parvenant à capter l’air du temps des années 80 sans en être l’esclave, préfigurant les sublimes comédies de Judd Apatow (Freaks and Geeks). Soit Ren (premier grand rôle de Kevin Bacon), adolescent branché de Chicago, amateur de rock et de cravates fines, obligé de suivre ses parents dans un patelin du Midwest où le pasteur puritain a interdit toute manifestation liée à la danse, instrument du diable selon lui. Sur fond de révolte juvénile, le film joue la carte de la concorde sociale, en plein ravalement de façade reaganien, prônant un habile entre-deux entre conformisme des parents et aspiration au cool de la nouvelle génération. Les années 70 sont bel et bien derrière… Sous ce conservatisme soft – insistons, il s’agit plus d’affirmer la possibilité d’un accord, comme on accorde ses pas, entre les différentes couches de la société américaine (ruraux et citadins, vieux et jeunes, cathos et athées) que de défendre un projet réactionnaire – se cache toutefois un beau film où la danse joue un rôle libérateur et fédérateur.
J. Go
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3) Flashdance
D’Adrian Lyne, 1983
Sorti en 1983, Flashdance est LE film de danse de filles, porté par la sublime Jennifer Beals et la musique du grand Giorgio Moroder, servi par deux tubes énormes d’Irene Cara (What a feeling) et de Michael Sembello (She’s a maniac). Ici encore il est question de lutte des classes : la jeune Alex, soudeur sur un chantier le jour et danseuse de cabaret la nuit, rêve d’une carrière de danseuse. Du film, on retiendra surtout deux scènes : celle très érotique de l’entraînement qui multiplie les gros plans sur des hanches habillées d’un body échancré qui tourbillonne, de pieds qui martèlent le sol frénétiquement et une chevelure mouillée de sueur qui dodeline au rythme de la musique, et la scène d’audition finale où la jeune fille tout de guêtres vêtue multiplie les figures devant un jury médusé. Ce bouquet final qui voit cette ouvrière danser sa vie et sa rage de vaincre devant un jury guindé préfigure, en un sens, l’apparition de programmes types Nouvelle Star ou Star’academy venus annoncer la victoire de l’amateurisme et l’idée bien américaine selon laquelle «on peut vivre son rêve si l’on s’en donne les moyens». Une esthétique 80’s indémodable (scènes de danse sur fond noir laqué, corps huilés et bronzés, fumigènes et stroboscopes à l’envi, néons colorés) et des chorégraphies qui continuent de nous transporter, Flashdance reste un incontournable des films de danse. A voir : le remake des images d’Epinal du film par Jennifer Lopez dans le clip I’m glad, nettement moins gracieux mais tout aussi sexy.
Géraldine de Margerie
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4) Showgirls
De Paul Verhoeven, 1995
Monument de vulgarité, Showgirls est probablement l’un des plus mauvais films de Paul Verhoeven et paradoxalement l’un des meilleurs sur Las Vegas. Remake de All about Eve de Mankiewicz qui s’attache à détruire le mythe du rêve américain en relatant l’histoire d’une danseuse débarquée à Las Vegas qui échoue dans un top-less show, Showgirls est une anti-success story totalement ringarde, fatalement culte. Ici, la danse est une arme sexuellement agressive, seul moyen pour l’insupportable et hystérique héroïne d’arriver à ses fins et de gravir les échelons à coups de seins secoués et de string exhibé. Au scénario, on retrouve Joe Eszterhas, sommité du navet, auteur de Basic Instinct I et II, Sliver et Flashdance. Sexe, manipulation, violence, dialogues incroyablement vulgaires et mauvais goût revendiqué, scènes de cul grotesques : Showgirls est un chef d’œuvre de film malade, horriblement mal joué (Kyle Mac Lachlan n’a jamais été aussi mauvais), aux chorégraphies 90’s d’une laideur rare, et pourtant terriblement attachant. Un sublime ratage.
G.de M.
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5) Step up 1 et 2
De (respectivement) Anne Fletcher et Jon Chu, 2006 et 2008
On préférera le titre original, Step Up (« s’approcher de »), qui suppose le mouvement, au Sexy Dance français, suintant la démagogie concupiscente du distributeur. Ces deux films (le 3 est en préparation) sont la bonne surprise de ce classement, le genre de production mainstream aisée à stigmatiser dont on n’attend rien d’autre qu’une suite de chorégraphies plus ou moins réussies (ce qui n’est pas négligeable, soit dit en passant). S’ils ne brillent pas par l’originalité de leur mise en scène ou la justesse du jeu d’acteur (exception faite des deux acteurs principaux, Channing Tatum et Briana Evigan), ces deux films passionnent pour une raison précise : la mise en avant d’un corps intermédiaire, antienne de la politique américaine (de Montesquieu à l’affirmative action) réactivée ici par le biais du hip-hop. Prolos blancs élevés dans le ghetto noir (par des noirs) et propulsés dans une académie proprette et petite-bourgeoise, les sexy dancers sont les Greystoke du film de danse. Chez eux nulle part, ils se recréent une famille de laissés-pour-compte et cherchent à s’intégrer par la danse, langage universel. Le refrain est connu, un brin démago, et pourtant il fait mouche, encore une fois, grâce à l’indéfectible croyance du cinéma hollywoodien en la fiction.
J. Go
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6) Rize
De David La Chapelle, 2005
Documentaire qui révéla aux yeux du monde une nouvelle danse : le krumping, elle-même dérivée du clowning, alternative hip-hop agressive et tribale (que l’on retrouve aujourd’hui dans la majorité des clips de rap et même dans le récent Hung Up de Madonna) qui voit des danseurs secoués de convulsions rentrer dans une transe épileptique sur fond de hip-hop qui tâche. Sublimés par la réalisation du photographe et réalisateur de clips David La Chapelle qui a bien saturé son image de couleurs et joué sur une esthétique Hip-Hop kitsch et huilée, ces soldats de la danse s’affrontent lors de battles ahurissantes sur fond d’émeutes raciales à Los Angeles. Certainement le film de danse le plus impressionnant et le moins facilement reproductible dans sa chambre.
G.de M.
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7) Billy Elliott
De Stephen Daldry, 2000
Dans un village minier en Angleterre où la vie, usée par le gouvernement Thatcher, n’est pas tendre, un garçon de 11 ans parti pour faire de la boxe se découvre une passion pour la danse classique qu’il cache à son père qui juge cette activité bien peu virile. Récit initiatique porté par un jeune acteur époustouflant, Billy Elliot est un excellent film de danse, dans une catégorie certes plus lacrymale que les précédentes, servi par une bande originale réjouissante (T-Rex, les Clash).Ici la vie est dure, les gens secs et revêches, le rêve trop peu présent. Voir ce petit garçon danser avec rage dans les rues sinistres de son quartier et marteler sa colère à coups d’arabesques maladroites pour le voir finir danseur étoile du Royal Ballet de Londres devant un père en larmes de fierté, on en pleure encore.
G.de M.
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8) American Girls
De Peyton Reed, 2000
Pas à proprement parler un film sur la danse (quoique), American Girl est un pur produit américain (pour une fois le titre français n’est pas mensonger), sur un sport pas tout à fait exotique dans nos contrées : le cheerleading, qui est aux majorettes ce que Kennedy était à Giscard d’Estaing. Réalisé par une figure prometteuse de la comédie américaine (Peyton Reed, auteur de Bye Bye Love et La rupture), Bring It On dévoile une face inavouable, mais passionnante, du talent de Kirsten Dunst : la nymphe éthérée de Virgin Suicides sait aussi jouer du twirling baton et chanter en cœur des « Go go Toros, go !». A nouveau, la politique s’inscrit au cœur de l’intrigue lorsqu’un groupe de pom pom girls black et latinos contestent aux oies blanches leur suprématie sur la compétition – on ne rigole avec le cheerleading aux Etats-Unis. Le film ne pousse pas très loin la satire mais séduit par sa vitalité, ressuscitant dans ses meilleurs moments les folles chorégraphies de Bubsy Berkeley.
J. Go
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9) Street Dancers
De Christopher B. Stokes, 2004
Avec un pitch d’une banalité à pleurer -deux groupes de danseurs hip hop s’affrontent lors d’une battle qui offre aux vainqueurs un joli chèque- Street Dancers part avec de sérieux handicaps et le risque d’être accusé de plagia par son ancêtre français Le Défi. Sur fond d’intrigues gangsta, de bastons et de meurtres, le film revêt un intérêt artistique majeur, outre celui de représenter en une heure et demie tous les clichés du ghetto noir américain. Grâce à des chorégraphies ultra puissantes signées Dave Scott, référence de la danse hip hop US, Street Dancers affiche clairement son choix de délaisser le scénario pour la danse. Sur une bande-son qui reprend les tubes dancefloor du moment de Timbaland en passant par DMX, les B. Boys (pour Breakers Boys) se déhanchent, sautent et échangent, le tout dans une parfaite synchronisation des corps, étonnante vue la rapidité des mouvements. Street Dancers a donc le mérite de faire découvrir au public une danse interactive, énergisée et énergisante : la New Style à son plus haut niveau.
Laureline Dupont
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10) Dirty Dancing
D’Emile Adorlino, 1987
Dirty Dancing a atrocement mal vieilli – a-t-il déjà été de son temps ? – mais c’est pour cela qu’on l’aime, en tout cas qu’on peut encore le regarder avec plaisir. Pas grand-chose à relever dans cet amas pastel de poncifs, si ce n’est quelques corps à corps torrides entre Patrick Swayze et Jennifer Grey (ahh, Time of my life), usées à force d’être rembobinées sur la VHS de la petite sœur. « Personne ne laisse Bébé dans un coin » ou « Arrête de courir après ta vie comme un cheval sauvage », déjà ridicules en anglais mais tellement délicieux en VF, sont quelques une des répliques cultes qui alimentent les discussions entre jeunes filles dans les cours d’école depuis 20 ans et font de Dirty Dancing ce classique éternel (parce qu’hyper daté) du film de danse.
J. Go