Quels sont les films à aller voir, les séries à regarder, ou pas, ce week-end ? Pour en avoir un indice, voici l’avis de nos critiques.
Films
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Ne croyez surtout pas que je hurle de Frank Beauvais
Ne croyez surtout pas que je hurle est le récit intime de la retraite de Frank Beauvais dans la forêt alsacienne. Le réalisateur s’est retrouvé là par amour. Après la rupture, l’exil devient subi, et l’appartement planté au milieu de nulle part devient l’endroit idéal pour recueillir un long tunnel d’abattement. D’avril à octobre 2016, si Frank Beauvais a vécu, il a surtout visionné quatre cents films. Telle une forme qui naît de l’informe, Ne croyez surtout pas que je hurle émerge d’une gluante dépression cinéphilique, puisqu’il se compose uniquement d’extraits tirés de ces centaines de films vus sur lesquels se dépose, dans une voix off ininterrompue, le récit de cette période découragée. De cette cuisine interne ressort peut-être la plus belle idée : celle d’un effort monstre, d’une action par laquelle Frank Beauvais se sauve de la dépression et de lui-même. Mais aussi de la cinéphilie : si celle-ci a mis à distance le réel, le texte a mis à distance la cinéphilie, notre héros blessé a manipulé les images.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Murielle Joudet.
Bacurau de Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles
Avec Sônia Braga, Udo Kier, Barbara Colen, Thomas Aquino, Thardelly Lima
Nous sommes dans un futur proche et dans un “southern” (comme on dirait un western) : le village a déjà disparu des satellites, on a coupé l’eau aux habitants, une bande de tueurs étrangers bien caricaturaux et sadiques a été choisie pour les exterminer les uns après les autres, dans la joie et la bonne humeur. Alors les paysans vont résister. Rayer un lieu d’une carte, c’est le but des politiques de la région. Rien que cela. Mais les habitants veulent vivre. Au détour d’un combat de rue, c’est toute l’histoire brésilienne qui remonte et qui stupéfie le spectateur : ce pays où se déroule l’action violente (parfois burlesque) du film a toujours été un pays de violence, s’est construit par la violence. Bien évidemment, tout cela n’a rien de gratuit. Bacurau est un geste politique, un acte de rébellion, un cri de libération surprenant, attachant, parfois grotesque.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Jean-Baptiste Morain.
Rambo: Last Blood d’Adrian Grunberg
Avec Sylvester Stallone
Rambo revient, tout comme Rocky est entre-temps revenu (en coach de son héritier Adonis Creed), à part que pour Rambo on ne sait vraiment plus très bien pourquoi. Car bien que le titre (Last Blood, en réponse au First Blood du premier volet) et le cadre (retour en terres U.S. dans le ranch familial, où Rambo veille sur une nièce) annoncent un nouveau rendez-vous avec lui-même pour le vétéran, la trame de ce cinquième volet s’avère un peu anecdotique et surtout mal dégrossie. Comme toujours, on y savourera forcément un Sly qui sait être poignant, qui l’est presque constitutivement, sans aucun besoin que le film soit bon.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Théo Ribeton.
Downton Abbey de Michael Engler
Avec Hugh Bonneville, Maggie Smith, Elizabeth McGovern
Habile radiographie d’une époque trouble (y planait l’ombre de la Première Guerre mondiale) et chronique doucereuse de la fin d’un monde (celui de l’aristocratie et de la vie de château), la série Downton Abbey s’offre une prolongation sous forme de long métrage, quatre ans après la fin de son ultime saison. Mais la transmutation du petit au grand écran n’est pas chose aisée, et le film ne parvient jamais à dépasser sa condition d’épisode à rallonge. Se perdent le sous-texte social que tissait la série et son écorce résolument tragique, au profit d’un humour connivent et d’un happy-end opportun et mollasson, dont l’unique ambition semble être de cajoler les fans endeuillés.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Léo Moser.
Port Authority de Danielle Lessovitz
Avec Fionn Whitehead, Leyna Bloom, Louisa Krause
Paul (Fionn Whitehead, révélé dans Dunkerque) arrive à New York depuis Pittsburgh sans le sou. Ce candide sort de la gare et aperçoit une troupe de jeunes Afros aux tenues branchées, qui contraste avec son look de petit Blanc. Malgré ce décalage, Paul a un coup de foudre pour la culture afro-queer et surtout pour l’une de ses membres, la belle Wye (interprétée par Leyna Bloom, fascinante danseuse, actrice et top model transfemme). Le tropisme initial de Paul pour Wye est une sublime romance bio-homeless-whiteboy meets trans-poor-blackgirl, où la question trans n’est ni un tabou ni un obstacle à l’amour du bioboy (enfin !), il est en plus in fine le terrain d’une magnifique ouverture à soi et aux autres. Port Authority est un film d’émancipation politique, sexuelle et sociale des plus puissants.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Bruno Deruisseau.
Le Dindon de Jalil Lespert
Avec Guillaume Gallienne, Dany Boon, Alice Pol
En transposant la pièce de Feydeau dans le Paris des années 1960, Lespert revitalise une veine résolument franchouillarde de la comédie française, avec ses maris infidèles décomplexés et leurs épouses dupées, ses inlassables quiproquos et son humour gouailleur largement ressassé. Ni le jeu, outrageusement théâtral, de ses acteurs à la limite du cabotinage ni la réactualisation de gags vieux comme la comédie ne parviennent à insuffler à ce Dindon un quelconque intérêt, et on bâille plus qu’on ne rit à suivre les situations limites héritées de cette longue tradition théâtrale, qui aurait pu s’accommoder, sinon d’un peu de vice, du moins d’une once de modernité.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Léo Moser.
Ceux qui travaillent de Antoine Russbach
Avec Olivier Gourmet, Adèle Bochatay, Louka Minnella
A la question de l’aliénation par le travail, Ceux qui travaillent lui substitue une dissection froide et glaçante de la dissolution du sujet/travailleur, englouti dans une virtualisation du réel. Frank, cadre supérieur dans le fret maritime, est une créature complexe, à la fois victime et bourreau, engendrée par le néolibéralisme du XXIe siècle et incarnée ici par Olivier Gourmet – monstrueux et pourtant si humain –, que son réalisateur privera de toute rédemption. Antoine Russbach refuse de soulager son spectateur de toute morale militantiste, et le laisse au contraire totalement démuni et sans repères, comme pour mieux lui asséner que la matière filmée pendant près de deux heures n’est pas celle d’un cauchemar, dont il pourra s’extirper à l’issue de la projection, mais bien celle d’une réalité qui se déroule tous les jours devant ses yeux.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Ludovic Béot.
The Unbelievable Truth de Hal Hartley avec Adrienne Shelly, Gary Sauer, Robert John Burke / Trust Me avec Adrienne Shelly, Martin Donovan, Meritt Nelson / Simple Men avec Robert John Burke, Bill Sage, Elina Löwensohn
Il n’y a plus grand monde pour se souvenir aujourd’hui de Hal Hartley, ancien poulain de l’indé 90’s, auréolé à ses débuts d’un authentique statut d’espoir qui le plaçait, alors, quasi au même plan qu’un Gregg Araki ou un Todd Haynes. Ses trois premiers films, estampillés “Trilogie Long Island” (leur décor commun), ressortent aujourd’hui et nous rappellent à leur grâce. Des récits ancrés dans la working class endormie de cette périphérie new-yorkaise, réveillés par un tempo subtilement irréel et théâtral. S’y croisent des lolitas, des benêts, des parents découragés, des vagabonds de passage, qui se disent en trois mots simples des choses très graves : leur envie de partir, leur envie de rester. Trois films élégants, très chorégraphiés mais aussi apathiques : les personnages y sont toujours à la fois très intenses et complètement spectraux. Une façon très belle de vouloir in fine sauver tous ses personnages, leur offrir la rédemption en les abîmant le moins possible, qui fait de Hartley un auteur digne qu’on se souvienne de lui.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Théo Ribeton.
De cendres et de braises de Manon Ott
Réfléchi sur plusieurs années, attendant patiemment, au gré des rencontres, que l’espace visité se meuve en lieu familier, De cendres et de braises se présente comme l’autopsie de la ville des Mureaux, ancien bastion ouvrier de l’usine Renault-Flins né dans les années 1960. En se parant d’artifices, le film échappe au simple exercice radiographique. Serti d’un noir et blanc coupant, De cendres et de braises déploie un dispositif rigoureux et transforme ce terreau d’histoires (petite et grande) en une contrée onirique. La nuit est le décor principal de ce théâtre d’ombres, constellé des récits de vie d’une poignée d’habitants, ce refuge idéal qui permet de mieux voir et de mieux entendre.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Marilou Duponchel.
Séries
Transparent épisode final sur Amazon à partir du 27 septembre
Pendant quatre saisons, la création de Jill Soloway a suivi à la fois un désir de comédie familiale alternative et son ADN naturel, celui d’une réflexion ultra contemporaine embrassant les frontières du genre de manière souvent joyeuse, excitante, parfois mélo. Cet élan a été brisé quand Jeffrey Tambor (l’acteur principal, qui incarnait la femme transgenre Maura) fut accusé de harcèlement sexuel. Ce “finale” d’une heure quarante commence par l’annonce de la mort de Maura, qui a lieu hors champ. Comme sa présence au monde aura changé la vie des autres, son décès produit aussi un effet de sidération collective. Ce sont ces ricochets émotionnels et humains que filme Soloway, mais dans un cadre nouveau. Il reste malgré tout une déception : Transparent, d’une certaine manière, a laissé de côté son potentiel de pure fiction en interaction avec le monde pour se replier sur elle-même. On ne peut s’empêcher de regretter l’autre série, la série d’avant, celle qui n’aura jamais vraiment de fin.
Retrouvez l’intégralité de la critique d’Olivier Joyard.
The Politician sur Netflix le 27 septembre
https://www.youtube.com/watch?v=6-kdBlzCG7w
Depuis son plus jeune âge, Payton Hobart est convaincu qu’il deviendra président des Etats-Unis. Pour le moment, il doit faire face au premier défi de son parcours : se faire élire comme président du corps étudiant de son lycée. Entouré de conseillers fidèles, il se lance dans une campagne bien garnie en coups bas et affronte dans le même mouvement les procédures d’admission à Harvard et une situation familiale explosive. Force est de constater que les péripéties improbables de ces ambitieux gosses de riches, nouées par-dessus la jambe dans une maille artificielle, nous laissent un peu de marbre. Loin de constituer une acmé du “Murphyverse”, The Politician, piloté par Ryan Murphy, semble en éprouver les frontières nord (les limites de la cruauté gratuite) et sud (la lassitude du grand n’importe quoi).
Retrouvez l’intégralité de la critique d’Alexandre Buyukodabas.
Room 104 sur OCS City
https://www.youtube.com/watch?v=uwTjTQfvCyE
Refuge de gangsters ou de tueurs sanguinaires, nid de fortune pour familles précaires ou amants adultères. C’est avec un imaginaire peuplé de ces figures que les frères Duplass ont posé les fondations de Room 104, anthologie dont chaque histoire se noue entre les mêmes murs. Leur création s’offre comme une tentative d’épuisement d’un espace tour à tour dépouillé ou chargé, rassurant ou oppressant. Ce principe englobe une dimension temporelle dont les ramifications plongent de plus en plus loin. Il s’applique aussi à la structure des récits qui alternent les genres et les procédés. C’est sur ce dernier point que Room 104 semble avoir fait le tour de son principe ludique, cédant souvent à la tentation du dispositif à chute ou de l’exercice de style façon étudiant en cinéma.
Retrouvez l’intégralité de la critique d’Alexandre Buyukodabas.
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