Immersion sans dialogue à l’âge de pierre, Moah séduit par sa radicalité mais peine à trouver son équilibre de registre et de ton.
Dans l’obscurité d’une caverne, le feu crépite, les silex claquent et la faim tord les boyaux. Né dans une tribu étrangère, Moah rêve de remonter le fil de ses origines pour échapper aux brimades des siens. Il croise la route de Gawaa, une étrangère traquée par de mystérieux chasseurs.
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Si ces quelques lignes pourraient synthétiser les enjeux de Moah, de nombreuses subtilités ont probablement échappé à notre compréhension : conçue comme une plongée radicale dans la Préhistoire, la série déploie une narration sans dialogue ni musique.
Fruit d’une collaboration entre Empreinte Digitale et OCS Signature, elle pourrait constituer un pendant aux explorations spatiales de Missions, sur laquelle officiait déjà son cocréateur Henri Debeurme : après Mars, elle tente de faire vibrer un autre confin de l’humanité avec une même économie de moyens.
Fascinant et gênant
Nos premiers pas à l’âge de pierre sont pourtant marqués par une hésitation de jugement. Tournée en Dordogne, Moah séduit par sa dimension sensorielle et sa coloration expérimentale, mais ne cesse d’osciller entre la sécheresse d’une immersion sans boussole et l’étude psychologique plus convenue, la violence d’un univers régi par une logique de survie et un humour burlesque régressif. Le résultat est à la fois fascinant et gênant, comme si la série ne savait pas vraiment à quoi faire carburer ses visions, puisant aussi bien dans la radicalité d’un Far Cry : Primal que dans l’hilarité de RRRrrrr !!! d’Alain Chabat.
Reconnaissons, pour sa défense, que Moah se frotte à un enjeu de taille : raconter une histoire d’avant l’Histoire, c’est-à-dire investir une période précédant l’apparition des premiers documents écrits. Ere sans autres traces qu’interprétées à l’aune d’un regard contemporain, et dont le plus délicat n’est pas d’en retranscrire l’expérience physique mais la chimie affective.
Cris, fluides corporels et gestes pulsionnels
Sur le premier plan, la série se révèle étonnante, doublant sa précision de reconstitution d’un mode de vie primitif d’un déversement organique : cris, fluides corporels et gestes pulsionnels se sédimentent en une partition bruitiste, quand ils ne donnent pas l’impression d’assister aux répétitions d’une troupe de théâtre d’avant-garde. Sur le second, hélas, le choix d’aligner les personnages sur des archétypes érodés (le guerrier brutal, le bellâtre stupide) et de les charger de considérations psychologiques anachroniques se révèle moins heureux.
Une idée de mise en scène décalée tire pourtant son épingle du jeu. Elle consiste à convoquer les souvenirs parcellaires du personnage, ou à matérialiser sa pensée en action, par le biais d’images parasites au format carré, comme d’autres prendraient en charge des réminiscences en fragments DV. Trouvaille cinéphile parmi d’autres qui, comme une petite pierre hétérogène entrechoquée à un silex parfois mal taillé, produit des étincelles singulières.
Moah saison 1, la préhistoire d’un mec à partir du 1er octobre sur OCS
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