Avec leur biographie non académique, Laureline Mattiussi et François Rivière rendent un hommage contagieux à l’artiste français.
“On vous accuse d’être un touche-à-tout, un dilettante mondain, un séducteur opportuniste, un poète superficiel et fantaisiste.” Pour raconter la vie de Jean Cocteau (1889-1963), Laureline Mattiussi et François Rivière ont souhaité créer du désordre dans la trame chronologique afin d’éviter les travers des biographies trop bien peignées. Ils ont choisi comme angle celui d’un procès fictif qui sert d’astucieux fil rouge.
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A intervalles réguliers, jusqu’à la proclamation du verdict, Cocteau se trouve face à deux accusateurs qui lui reprochent de s’être dispersé, d’avoir suivi ses coups de cœur artistiques et amoureux. C’est ce que raconte cette bande dessinée qui répond aux détracteurs tout en donnant envie de s’immerger dans l’univers de Cocteau, de (re)lire ses écrits ou de (re)voir ses films.
Il n’est pas obligatoire d’être fan de Cocteau pour se laisser porter
Si elle est très documentée, Cocteau, l’enfant terrible sait aussi ne pas nous noyer sous les informations et les citations – ce qui semble judicieux pour mettre en scène un artiste qui déclarait : “Comprenne qui voudra, je suis un mensonge qui dit toujours la vérité.” Au contraire, le duo préfère évoquer plutôt que d’assommer afin, aussi, de mieux ménager des respirations graphiques.
Cette démarche produit des moments de grâce : Cocteau et Radiguet travaillant de concert dans une maison du bassin d’Arcachon ; Jean Marais accourant avec la puissance d’un héros mythique après un coup de téléphone intrigant de son mentor… Ce travail d’artistes-biographes permet de transformer le sujet en personnage, animé par beaucoup d’énergie mais aussi de mélancolie.
Il n’est donc pas obligatoire d’être fan de Cocteau pour se laisser porter par le récit : le dessin de Laureline Mattiussi, plein de mouvements et de courbes, accroche tout de suite l’œil. Son noir et blanc – qui rappelle celui des plus grands stylistes du genre, de Tardi à l’Argentin Muñoz – se déploie avec élégance. Ainsi retracé, le chemin de Cocteau, de l’académisme vers l’avant-garde, le scandale puis la reconnaissance, n’en est que plus touchant.
Cocteau, l’enfant terrible de Laureline Mattiussi et François Rivière (Casterman), 256 p., 24 €
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