Ce mardi, les Anglais d’Our Girl joueront lors de la soirée Inrocks Les Bains, en ouverture du festival. L’occasion de découvrir l’un des plus beaux groupes britanniques du moment sur scène, quelques mois après la parution de son premier album. Rencontre avec la tête pensante du trio de Brighton, Sophie Nathan.
L’Angleterre aime quand les choses vont vite. Ce n’est pas pour rien si les Britanniques sont à l’origine de tout un tas d’innovations qui ont drastiquement accéléré la vie des Européens dès le XIXe siècle. Deux cents ans après la révolution industrielle, il y a un sujet où les Anglais restent les champions de la célérité : le rock indépendant. Pour tout groupe naissant, il s’agit de se faire repérer dès ses premiers concerts et de capitaliser aussitôt sur un buzz précoce. Viser la couv’ de feu le NME en six mois ou mourir. Dans ce contexte souvent délétère, la lente éclosion d’Our Girl est une bénédiction. Le trio de Brighton, en concert à Paris ce mardi 20 novembre dans le cadre de la soirée Inrocks Les Bains, aura mis quelque quatre années à accoucher d’un premier disque bien plus que simplement prometteur.
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Moins next big thing que bombe à retardement
« C’était simplement le bon moment », se justifie après coup Sophie Nathan, chanteuse, guitariste et tête pensante. « Si nous nous étions lancé avant, j’aurais été trop effrayée que les chansons n’aient pas eu le temps d’arriver là où elles devaient arriver. Là, j’étais sûre que c’était bon. » Quand Our Girl publie Stranger Today mi-août, le groupe n’est en effet pas totalement inconnu. Depuis une poignée d’années, il bruisse que les chansons du trio, qui réactualisent shoegaze et grunge pour une génération qui a découvert la guitare avec Anna Calvi, font partie des plus jolies du royaume. Dès le milieu des années 2010, Our Girl s’attire les faveurs de la presse musicale outre-manche à la force de quelques titres sortis sur le label Cannibal Hymns, déjà responsable de l’émergence de Dream Wife.
Pourtant, moins next big thing que bombe à retardement, le groupe n’est pas totalement satisfait de ces publications. « Au départ, l’ep devait rester à l’état de démo. Nous étions contents à cette époque de ces chansons mais elles ne sonnaient pas exactement comme nous l’espérions. » De ces six morceaux introductifs, trois se retrouvent aujourd’hui sur Stranger Today, comme une preuve que le groupe n’a jamais cherché qu’à tirer le meilleur de ses compositions au fil du temps. « Les chansons de l’album ont été écrites depuis la création du groupe il y a quatre ans, confirme la jeune femme. Il n’y en a que deux que nous avons terminé pendant l’enregistrement du disque. »
« Je n’étais pas sûre d’être capable d’écrire des chansons »
L’album débute même par la première chanson que Sophie Nathan n’ait jamais écrite et qui a donné son nom au groupe. Nous sommes alors au mitan de la décennie et la jeune Anglaise vit à Brighton pour ses études. Dans la fameuse cité balnéaire, elle crèche avec cinq autres musiciens dans une grande maison près de la mer. Au sous-sol, les six ont installé un studio, de quoi jouer et faire du bruit jusque tard dans la nuit. Le contexte est propice à monter un groupe. Reste un obstacle : bien qu’elle sache jouer de la guitare, Sophie n’a encore jamais composé de chanson.
« Ça faisait un bon moment que je voulais en écrire mais je n’étais pas sûre d’en être capable. Je ne pensais pas que j’avais cela en moi. » Alors, quand ses colocs sont dehors, elle prend son instrument fétiche, descends les escaliers et essaye ses compos à l’abri des oreilles curieuses. « Un jour, deux des amis qui vivaient là ont fini par m’entendre. Leur réaction a été très positive. Cela m’a donné de la confiance et j’ai compris que je pouvais montrer ma musique à davantage de monde. »
Armée d’un début d’assurance et de quelques bouts de chansons, elle se met à la recherche rapidement de personnes pour l’accompagner. Pour Josh Tyler, c’est assez simple. Les deux jeunes sont déjà amis. « Il jouait de la guitare mais il a bien voulu apprendre la basse pour faire partie du groupe. » Manquait plus qu’un batteur. Ce seront les boucles rousses de Lauren Wilson qui tiendront finalement ce rôle. « Nous nous étions déjà rencontré une fois. Je savais qu’elle jouait de la batterie, alors nous lui avons envoyé une démo par mail. Notre musique lui a tout de suite plu. »
« Je n’avais pas confiance dans mon chant. Donc je voulais l’ensevelir. »
Ça tombe bien car Sophie Nathan a beau écrire seule dans sa chambre, ses chansons ont vocation à être jouées très fort. Dès Level, premier titre choc au final tellurique publié en novembre 2015, Our Girl posait clairement ses bases. « J’aime beaucoup la musique qui a une énergie assez noise, qui vient du shoegaze, explique ainsi la jeune femme. Mais aussi des choses plus mélodiques et je voulais que ces deux facettes se retrouvent dans ma musique. » Sophie et ses compères n’ont pas peur de vous caresser le visage avant de vous mettre la tête sous l’eau.
On pourrait s’amuser à chercher les influences nineties du groupe (comme ce riff sur Our Girl que n’auraient pas renié Kevin Shield et ses My Bloody Valentine) mais ça ne serait pas rendre leur justice, tant les chansons du trio se détachent du patronage shoegaze grâce à la voix puissante et éraillée de Sophie Nathan. Derrière sa frange et ses longs cheveux ondulés, elle aurait très bien pu se retrancher derrière les mêmes pares-feu synthétiques et vénéneux que ses vénérables aînées. Se la jouer Fantômette. Au contraire, la jeune femme ne se cache pas devant son micro et captive d’un bout à l’autre du disque.
« Quand nous enregistrions nos démos, ou même sur notre ep, on pouvait à peine entendre ma voix, se remémore-t-elle. C’était un peu un choix esthétique mais c’était surtout parce que je n’avais pas confiance dans mon chant. Donc je voulais l’ensevelir. Mais quand j’écoute de la musique, j’aime entendre les paroles. Pour différentes raisons, pendant le mixage j’ai accepté que ma voix soit claire. Je me suis dit ‘ne sois pas timide’.«
Perdus dans le monde des guitares
Pour réussir le grand écart entre douceur et fracas, le trio a pu compter sur l’aide en studio de l’ancien guitariste de The Coral, Bill Ryder-Jones. « Il a été parfait pour accomplir ce que nous souhaitions faire avec nos chansons. Même si au moment d’entrer en studio, nous pensions savoir exactement comment tout devait être enregistré. J’étais même assez protectrice. » Pendant les douze jours de vie commune, le producteur se mue en quatrième membre. Les deux guitaristes se comprennent parfaitement et ensemble se perdent « dans le monde des guitares« . « Il nous a fait découvrir de nouveaux sons, des touches bruitistes. Ça a transformé certaines chansons. »
Grâce à ses précieux conseils, les chansons d’Our Girl n’ont jamais été aussi impeccables que sur Stranger Today. Une science du bruit mise au service d’un chant romantique, romanesque quand tonnent les instruments. Connaissant ses chansons jusqu’au bout des ongles, le trio s’offre le droit de les allonger pour le mener vers des zones de turbulences. Le groupe a bien fait d’attendre et c’était à prévoir. Vers la fin du disque, Sophie chante ainsi : « Prenons juste un peu de temps pour permettre à notre bonheur de se relaxer. »
Our Girl joue à Paris le 20 novembre lors de la soirée Inrocks les Bains, aux Bains, avec Biche et Marble Arch. C’est gratuit et pour chopper des billets ça ce fait ici.
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