La chaîne Arte a dévoilé ses coproductions à venir. L’occasion de découvrir les projets très attendus de quatre cinéastes doués : les français Julia Ducournau et Alain Guiraudie, le russe Kirill Serebrennikov et le philippin Lav Diaz.
Arte est l’une des rares chaînes publiques à consacrer une partie conséquente de sa programmation au cinéma, dans un paysage audiovisuel français (PAF) dominé par les divertissements. Si plusieurs cases sont dédiées à la diffusion d’œuvres cinématographiques, la chaîne promeut le également le cinéma par le biais d’actions et programmes spécialisés : pensons au festival en ligne Arte Kino ou aux interviews réalisées pendant le Festival de Cannes, mais aussi aux magazines Blow Up ou Cour-circuit (dédié au court-métrage).
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A ces fonctions de diffusion et de promotion s’ajoute celle de coproduction. Arte France Cinéma, la filiale française de coproduction de la chaîne franco-allemande, s’investit dans la production d’une vingtaine de longs-métrages d’auteurs chaque année. Parmi les sorties récentes, citons Le Daim de Quentin Dupieux, Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma ou Zombi Child de Bertrand Bonello, mais également des films étrangers à l’instar d’Heureux comme Lazzaro d’Alice Rohrwacher, Bacurau de Kleber Mendonça Filho ou Le Traître de Marco Bellocchio (sortie le 30 octobre).
Jeudi dernier, le 19 septembre, le comité de sélection s’est prononcé sur ses futurs engagements. Une annonce qui permet notamment d’en savoir plus sur les projets à venir d’excellents cinéastes, jusque-là restés très mystérieux.
Après Grave, Julia Ducournau prépare son deuxième long-métrage
Ainsi, alors qu’on apprenait il y a peu que la réalisatrice de Grave, Julia Ducournau, avait commencé à travailler sur son deuxième film, on a désormais quelques détails sur Titane. Dans le rôle principal, Vincent Lindon incarnera le père d’un garçon qui réapparaît dix ans après sa disparition et dont le retour s’accompagne d’une série de meurtres macabres.
Fascinée par les corps en mutation et adepte des films de genre, à commencer par l’horreur, Ducournau puise son inspiration dans la mythologie grecque pour questionner avec son deuxième long les thèmes de l’identité et de la filiation. Le tournage devrait débuter au printemps 2020. Si Arte fait des choix très éclectiques, sans se conformer à des règles prédéfinies autres que celles de qualité et d’inventivité, on peut rapprocher le projet de Ducournau d’un film comme Zombi Child, où le corps adolescent se confrontait à la mort dans une atmosphère baignée de fantastique.
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Guiraudie en comédie
Toujours dans le contexte du cinéma français, Arte coproduira le prochain film d’Alain Guiraudie. Après deux drames (le cru et cruel L’Inconnu du lac et le parabolique Rester vertical), le réalisateur revient à la comédie dramatique telle qu’il l’a explorée dans les années 2000 (Pas de repos pour les braves, Voici venu le temps, Le Roi de l’évasion).
Le conte de Noël Viens je t’emmène interrogera le mythe du vivre-ensemble à travers l’histoire de Médéric et Isadora (Noémie Lvovsky), tombés amoureux le jour d’un attentat. Si le talent comique de Guiraudie est peut-être méconnu, le cinéaste a décrit son projet en ces termes : « Nous vivons une époque folle, complexe, inquiétante. Et la comédie est le meilleur ton que j’ai trouvé pour parler d’aujourd’hui. C’est une façon de rester positif mais aussi une façon d’évoquer nos peurs et nos fantasmes collectifs sous une forme ludique. » Le film, malgré un cadre tragique, devrait donc fonctionner sur un registre bien différent de l’hivernal Roubaix, une lumière d’Arnaud Desplechin, thriller coproduit par Arte dont le récit se déroulait également un soir de Noël.
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Serebrennikov en Russie post-soviétique
Sur la scène internationale, Arte s’est engagée à coproduire deux films. La chaîne soutient le réalisateur Kirill Serebrennikov, toujours sous contrôle judiciaire et interdit de quitter le territoire russe. Après le film musical Leto l’année passée et une très belle pièce présentée au Festival d’Avignon cet été (Outside, non programmé pour l’instant), Serebrennikov prépare Petrov, l’adaptation d’un roman russe. Le film, situé dans la Russie post-soviétique, mêlera rêve et réalité pour raconter l’histoire d’un auteur de bande dessinée qui se remémore son enfance au gré d’une déambulation alcoolisée. « Mon ambition est de capturer l’état d’esprit d’un peuple à un moment précis de son histoire » a expliqué le cinéaste.
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Les Philippines sous la caméra de Lav Diaz
Enfin, Arte alloue la dernière part de son budget au cinéaste philippin Lav Diaz, qui travaille sur un film qu’il envisage comme une « réplique à tout ce qui se passe dans [s] on pays natal. » Quand les vagues se retirent emprunte au film noir pour dénoncer la corruption et les dérives multiples du pouvoir aux Philippines. Le film suivra un homme tout juste sorti de prison qui part à la poursuite de son complice dans le braquage d’une banque trente ans plus tôt. Parvenu à échapper aux autorités, celui-ci s’est emparé du butin pour se lancer dans la politique et va devenir l’objet d’une vengeance sanglante de la part de son ami. Après s’être essayé avec talent à la science-fiction dans Halte, son dernier film en date, Diaz revient donc à la réalité de ses précédents films, et continue de développer une œuvre poétique et engagée.
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