A la fin de la guerre civile espagnole, un peintre catalan est parqué dans un camp du sud de la France. Entre grande et petite histoire, ce film d’animation gracieux retrace les pérégrinations de ce personnage admirable.
Le dessinateur Aurel ayant toujours été engagé politiquement (et ayant beaucoup travaillé pour la presse), on ne s’étonne pas que son premier dessin animé (sélectionné par le Festival de Cannes 2020) aborde un sujet grave : la guerre d’Espagne, et plus précisément celui du sort qui fut réservé par les autorités françaises aux réfugiés républicains après que les phalanges d’extrême droite du général Franco (aidé par l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste) les eurent vaincus en 1939 : ils furent parqués, dans des conditions de vie déplorables, dans des camps de fortune construits dans le Roussillon, près de la frontière avec l’Espagne.
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Josep Bartolí (1910-1995)
Après tout, ces réfugiés représentaient tout ce que la France moyenne conservatrice qui allait bientôt mener Pétain au pouvoir détestait : de gens pauvres, des “rastaquouères”, en outre communistes ou anarchistes (avec le couteau entre les dents de l’imagerie d’Epinal)…
Pourtant, Josep est un film tous publics (en tout cas, un enfant de 11 ans peut le voir), et ce n’est pas l’un de ses moindres mérites. Il raconte plusieurs histoires : d’abord celle de l’amitié qui va naître entre un policier français, gardien du camp, et un réfugié incarcéré, un artiste (peintre, illustrateur, dessinateur de presse), Josep Bartolí (1910-1995), Catalan anarchiste (doublé par Sergi López), qui échappa à la Gestapo au sortir des camps français, partit au Mexique et vécut longtemps aux Etats-Unis, auprès de ses amis Rothko, Pollock ou De Kooning.
Le dessin intègre dans sa danse animée les œuvres sublimes de Bartoli
Au cours des pérégrinations de ce personnage admirable, on croisera aussi Frida Kahlo, qui fut sa maîtresse. Josep raconte également une seconde histoire, non moins émouvante : celle d’un adolescent qui découvre que son grand-père, dont il ignorait tout et qui va bientôt mourir, fut un type bien.
Le dessin d’Aurel est beau, gracieux. L’animation subtile, n’hésitant pas à pratiquer l’effacement, le surplace, à jouer sur l’immobilité des personnages. Tout en finesse, l’animation ne tend jamais à tout faire bouger en même temps mais à créer des vibrations qui donnent vie aux personnages dessinés tout en suggérant que certains sont déjà des fantômes qui appartiennent au passé. Le dessin intègre dans sa danse animée les œuvres sublimes de Bartoli – esthétiquement, c’est un travail magnifique.
Aurel parvient à mêler grande histoire et histoire intime et donne aux obscurs, aux sans-grade, à travers leur vie dessinée, la place qu’ils méritent dans une histoire qui les a souvent oubliés. C’est, bien évidemment, encore un message politique.
Josep d’Aurel, avec les voix de Sergi López, Gérard Hernandez, Bruno Solo (Fr., Esp., Bel., 2019, 1h14)
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