Former des duos improbables entre producteurs électroniques et musiciens virtuoses, reprenant le répertoire d’illustres compositeurs : c’est le principe un peu fou des soirées Variations, lancé il y a trois ans par l’équipe de Sourdoreille et la Compagnie des Indes.
Chaque année, l’équipe de Sourdoreille organise des rencontres inédites entre producteurs techno et musiciens classiques, reprenant ensemble une oeuvre de musique savante imposée. Après avoir créé d’incroyable collaborations entre Erik Truffaz et Kenny Larkin, Chloé et Vassilena Serafimova ou encore Jeff Mills et Émile Parisien, les sessions Variations reviennent avec une nouvelle série d’étonnantes collaborations. Et comme chaque année, les cinq lives d’une trentaine de minutes seront disponibles sur CultureBox.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
https://www.youtube.com/watch?v=xp7qbB5x9JU&t=667s
Peter Van Hoesen et Gabi Sultana
Cette année, c’est au coeur de la salle Wagram que les cinq duos se sont succédés. Surplombée par quatre somptueux lustres, la scène est placée dans un décor aussi sobre que sophistiqué. La toute première rencontre de la soirée est menée par la pianiste maltaise Gabi Santana et le producteur électronique belge Peter Van Hoesen. Ensemble, ils s’attaquent au répertoire du compositeur iconoclaste John Cage. Pour l’occasion, le piano a été spécialement préparé selon la méthode qu’utilisait l’illustre artiste : des clous, écrous et vis ont été intégrés entre les cordes pour altérer le son de l’instrument. Fidèle au répertoire de John Cage, les deux musiciens délivrent un live expérimental, puissant mais très lent, nous plongeant dans un univers légèrement psychédélique. Si certaines sonorités sont parfois dissonantes, voire angoissantes, le résultat n’en reste pas moins captivant.
Anoushka Shankar et Gold Panda
Le deuxième duo à faire son entrée sur scène est composé du producteur londonien Gold Panda et de la sitariste Anoushka Shankar, une musicienne que Sourdoreille rêvait de recevoir depuis le lancement des soirée Variations. Ensemble ils rendent hommage au père d’Anoushka qui n’est autre que le grand Ravi Shankar, le « maître du Sitar« , tragiquement disparu en 2012. La première partie du live est largement menée par Anoushka et son fameux sitar, cet instrument impressionnant, typique de la musique hindoustanie. Derrière ses machines, Gold Panda la rattrape rapidement avec des nappes de synthés toujours aussi mélodieuses. Si pendant quelques instants, il ne fait que l’accompagner, le londonien monte rapidement en puissance, distillant une electro à la fois lumineuse et scintillante. Anoushka Shankar est rayonnante et le suit avec une aisance déconcertante. Un équilibre presque parfait entre les deux artistes, qui se laissent chacun l’espace et le temps de jouer. Tout au long du live l’ambiance fait largement écho au répertoire de Ravi Shankar, dans une atmosphère aux sonorités orientales. Résolument l’une des plus belles rencontres de la soirée.
https://www.youtube.com/watch?v=9xB_X9BOAOU
Rone et La Maîtrise de Radio France
Pour tourner le troisième live de la soirée, l’équipe de Sourdoreille aura fait une légère entorse à sa règle en accueillant non pas deux artistes, mais bien 24 sur scène. D’un côté Erwan Castex aka Rone, petit prince de la musique électronique en France. De l’autre, la Maîtrise de Radio France représentée par un choeur de 22 adolescentes, sous la direction de Sofi Jeannin. Ensemble, ils revisitent le répertoire d’un des plus grands compositeurs britanniques, Benjamin Britten. « Les compositions de Britten sont très protégées, donc on devait vraiment être fidèle aux partitions ce qui pour moi n’était pas un problème, mais un vrai challenge » explique Rone, quelques minutes après le live.
Et même si les artistes ne s’étais jusque là jamais rencontrés, ils confient avoir toujours eu beaucoup de respect pour le travail de chacun. À l’initiative de cette rencontre, c’était notamment Rone qui rêvait de collaborer aux côtés de la Maîtrise et de jouer Britten depuis plusieurs années. Sofi Jeannin, quant à elle, avait déjà assisté à un live du producteur electro, qui ne l’avait pas laissée indifférente « C’est l’esthétique même qui m’a touché, il y a de l’expérimentation, il y a aussi un côté avec un respect presque historique, une grande connaissance du son » confie la directrice de la maîtrise.
Rone, qui a construit cette performance autour d’un accompagnement à la harpe, se lance avec ses synthés magnétiques et oniriques, auxquels les jeunes choristes s’accordent parfaitement et vice-versa. De cette superbe collaboration, presque émouvante, on retient particulièrement le magnifique Cuckoo de Britten, superbement interprété par les choristes.
Vanessa Wagner et Molécule
La virtuose classique Vanessa Wagner et le producteur Romain Delahaye aka Molécule forment le quatrième duo de la soirée. Les lumières de la salle Wagram passent alors au bleu, comme pour rappeler l’univers glacial du producteur français qui a enregistré son dernier album au Groenland. La première partie du live est consacré à Vanessa Wagner, sublime au piano, qui reprend fidèlement le catalogue classique du grand Claude Debussy. C’est ensuite au tour de Molécule de se faire entendre avec ses envolées techno ultra puissantes, qui envahissent directement l’espace. Le live monte crescendo pour se finir en apothéose, car si Molécule se lance dans des sonorités plus froides, mais toujours aussi puissantes qui pourraient prendre le dessus sur le piano, Vanessa Wagner est impressionnante et ne se laisse pas surpasser.
Carl Craig et Francisco Mora
Après Jeff Mills et Kenny Larkin, un troisième pionnier de la techno de Detroit, Carl Craig, était l’invité de Variations, formant le 5e et dernier duo de la soirée aux côtés du percussionniste new-yorkais Francisco Mora. Les deux artistes s’attaquent au répertoire cosmique du grand jazzman Sun Ra. Un duo prometteur et une union impressionnante entre djembé, percussions et l’inépuisable techno de Carl Craig. Mais malgré ce bel ensemble, on reste légèrement déçu par la fin du live qui offre un résultat quelque peu chaotique.
Quoi qu’il en soit, avec cette troisième session Variations, Sourdoreille aura su une nouvelle fois proposer une expérience unique, en ouvrant la voie à des duos certes improbables, mais fascinants.
{"type":"Banniere-Basse"}