Satire en pilote automatique, la série de Netflix marque un essoufflement du système Ryan Murphy, mais surprend par son angle d’attaque.
Pour sa première création originale dans le cadre de son contrat de cinq ans avec le géant du streaming Netflix, le showrunner Ryan Murphy (Nip/Tuck, Glee, American Horror Story) brosse une satire d’un trait désinvolte. Avec son compère de toujours Brad Falchuk, ils s’amusent à exacerber les tares de la politique américaine contemporaine (vulgarité, clientélisme, manipulations) dans le creuset d’un lycée huppé de Santa Barbara.
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Comme le suggère le générique de la série – des pièces s’assemblent pour façonner en automate aux rouages bien huilés le personnage principal –, The Politician décortique ce qui fait l’anatomie d’un candidat aujourd’hui.
Esthétique kitsch et personnages “bitchy”
Depuis son plus jeune âge, Payton Hobart est convaincu qu’il deviendra président des Etats-Unis. Pour le moment, il doit faire face au premier défi de son parcours : se faire élire comme président du corps étudiant de son lycée. Entouré de conseillers fidèles, il se lance dans une campagne bien garnie en coups bas et affronte dans le même mouvement les procédures d’admission à Harvard et une situation familiale explosive.
Esthétique clinquante au-delà du kitsch, flamboyance queer généralisée et personnages bitchy à souhait : aucun doute, on est bien chez Ryan Murphy, entraînés dans un territoire fictionnel aussi drôle que cruel, où le mauvais goût le dispute sans cesse au mauvais esprit.
Aucun doute, on est bien chez Ryan Murphy, entraînés dans un territoire fictionnel aussi drôle que cruel
Mais force est de constater que les péripéties improbables de ces ambitieux gosses de riches, nouées par-dessus la jambe dans une maille artificielle, nous laissent un peu de marbre. Loin de constituer une acmé du “Murphyverse” (on retournera rapidement vers Pose pour cela), The Politician semble en éprouver les frontières nord (les limites de la cruauté gratuite) et sud (la lassitude du grand n’importe quoi).
Un tableau très caustique
Plus étonnant est l’angle de tir choisi par les créateurs de la série. S’ils gardent évidemment la famille Trump dans leur viseur, c’est par sa façade progressiste qu’ils entreprennent de décaper à l’acide la fabrique des élites. Afin de remporter les élections, les candidat.e.s se lancent dans une course à la cause la plus noble pour draper de vertu leur indécrottable arrivisme, et s’empressent de recruter des colistie.re.s issu.e.s de minorités pour faire oublier leur situation privilégiée.
Le cynisme des campagnes ciblées et de la recherche du “vote de sympathie”, apanage saillant des campagnes démocrates et de celle d’Hillary Clinton en particulier, est également pointé du doigt : modeler son discours en fonction de l’auditoire auquel on s’adresse, c’est aussi enfermer les électeurs dans des blocs d’identité verrouillés pour mieux les manipuler.
Sans renoncer à ses convictions progressistes, c’est un Ryan Murphy désabusé qui œuvre comme satiriste d’un pays dans lequel la politique, plus qu’une pratique des idées à visée collective, s’est réduite à un art de la performance à détente individuelle.
The Politician sur Netflix le 27 septembre