La sortie de “La Vis » deuxième tome de l’anthologie de ses œuvres révèle combien Yoshiharu Tsuge a électrocuté le manga avec ses histoires et ses formes avant-gardistes.
Si certain.e.s s’interrogent sur le caractère linéaire du temps, La Vis apporte à sa manière un élément de réponse, tant découvrir ces récits, vieux pourtant de près d’un demi-siècle, provoque un choc émotionnel comme peu de mangas actuels.
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Enfin traduit en français
Ce n’est que depuis quelques mois que Yoshiharu Tsuge a accepté que ses histoires datant des années 1960 et 1970 soient traduites en langue française. Jusqu’à peu, on ne connaissait de lui qu’un de ses derniers travaux, L’Homme sans talent, livre culte autour d’un dessinateur marginal et désillusionné, tentant de vendre des cailloux plutôt que ses dessins.
Depuis que les éditions Cornélius ont entrepris de publier une anthologie (en sept volumes) de ses œuvres, on comprend mieux son importance dans le paysage de la bande dessinée japonaise moderne. Le poétique premier tome Les Fleurs rouges, publié au début de l’année, montrait – à nouveau – le goût de Tsuge pour les personnages vivant à la campagne, en retrait de la société.
Audaces stylistiques
Ce second tome va bien plus loin, d’abord dans les audaces stylistiques – images abstraites, phylactères sans texte –, à l’image de l’histoire qui donne son titre au livre. Celle-ci, parue en 1968 et semblable à un cut-up surréaliste, a gardé toute sa force révolutionnaire, même quand on la découvre au troisième millénaire.
Tournant le dos au pur divertissement, s’inspirant de photos, Tsuge couche sur papier des visions oniriques et angoissées que l’utilisation d’un Pantone orange rend encore plus hallucinantes.
Sombres comédies humaines
Si l’histoire suivante, “Le Patron du Gensenkan”, se révèle moins cryptique, elle prend la forme d’une inquiétante fable horrifique qui laisse pantois. Page après page, Tsuge fait sauter les verrous de la narration classique – avec un découpage épuré et des décors réduits à l’essentiel –, mais aussi les tabous.
Les protagonistes des sept nouvelles graphiques réunies, salauds ou ingénu.e.s, s’abandonnent souvent à leurs pulsions, surtout sexuelles, comme les jouets de sombres comédies humaines. Bonne nouvelle : Tsuge aura droit à sa première exposition française lors du Festival d’Angoulême, en janvier prochain.
La Vis (Œuvres 1968-1972) (Cornélius), traduit du japonais par Léopold Dahan, 192 p., 23,50 €
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