Mort à 95 ans, l’Américain a cofondé la pop culture mondiale en inventant des super-héros forts et fragiles à la fois.
« Tout bouge pour que rien ne bouge« . Après avoir mis en place l’univers de Marvel Comics et créé une quinzaine de personnages, Stan Lee avait fait du statu quo son credo…Parce qu’il avait déjà changé le monde, mais aussi sa trajectoire. Né en 1922 à New York, bon en rédaction, fan d’Errol Flynn – l’acteur qui incarnait au cinéma des figures héroïque telles que Robin des bois – ou de mythologie – Stanley Martin Lieber rêvait de devenir écrivain.
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Dans sa jeunesse, il enchaine les petits boulots, travaille dans un magasin de pantalons ou comme ouvreur au cinéma. Mais, assez rapidement, son goût des mots le rattrape, d’abord quand il est payé pour écrire des nécrologies, surtout quand il est embauché en 1939, à 17 ans, comme assistant chez Timely Comics, une maison qui publie des pulps et des comics. D’abord, il sert d’homme à tout faire, amène les cafés à Joe Simon et Jack Kirby, les créateurs du super-héros patriote Captain America.
Son premier récit: Captain America
C’est justement ce personnage qui lui permet d’entrer dans l’histoire : en 1941, Stanley écrit une nouvelle de deux pages mettant en scène Steve Rogers. Ce texte où, pour la première fois, Captain America pratique le lancer de bouclier qui deviendra son geste signature, il le signe du pseudonyme de Stan Lee parce qu’il réserve son vrai patronyme au grand roman qu’il projette d’écrire. Quand il s’engage dans l’armée américaine pendant la seconde guerre mondiale, il devient dramaturge – c’est son statut officiel – et rédige pour la nation des brochures d’information sur les maladies vénériennes, des comics, des films d’entrainement…
Sauvé par sa femme
Durant les années 1950, Stan hérite de plus en plus de responsabilités dans la maison d’édition Atlas (ex’Timely) mais le marché du comic book se révèle sinistré. Son patron, Martin Goodman, privilégie la quantité à la qualité et lui se retrouve à superviser des histoires de western ou de romance copiées sur la concurrence… A l’époque, le comic book manque de considération d’autant plus que l’affreux psychiatre Fredric Wertham a commencé son travail de sape en pointant du doigt dans son essai Seduction of the innocent(1954) le prétendu effet nocif que ce genre de publication peut avoir sur les enfants. C’est sa femme, Joan, dont il est tombé amoureux dès la première rencontre, qui va sauver Stan de l’ennui.
Alors qu’il songe à tourner le dos aux comics et à démissionner, elle lui conseille d’essayer une dernière fois de se faire plaisir avec un projet qui l’enthousiasme vraiment. Le comic book de la dernière chance sera Fantastic Four qu’il crée en 1961 avec le dessinateur Jack Kirby, celui-là même qu’il assistait au début des années 40. Avec cette série, le duo renouvelle le genre du super-héros en dotant de pouvoirs quatre personnes qui forment une famille : le couple formé par Reeds Richard et Susan Storm, le frère de celle-ci Johnny et le meilleur ami de Reed, le pilote Ben Grimm.
Dès le premier numéro, le succès est là et ouvre un champ des possibles. Dans la foulée, Stan invente une foulée de super-héros avec les dessinateurs Kirby, Steve Ditko, Don Heck, Bill Everett (et parfois l’aide de son frère Larry Lieber). La liste est impressionnante : Ant-Man (1962), Spider-Man (1962), Hulk (1962), Thor (1962), Iron Man (1963), X-Men (1963), The Wasp (1963), Dr Strange (1963) Daredevil (1964),Black Widow (1964), Hawkeye (1964), Black Panther (1966), the Falcon (1966). Tous ces personnages ont un point commun : malgré leurs pouvoirs, ils ont, à côté de leurs exploits, des existences compliquées et très humaines ancrées dans un quotidien dans lequel le lectorat peut se retrouver.
Stan fait la démonstration de son inventivité, de son flair, mais aussi d’un esprit d’homme d’affaire rusé. Plus d’un demi-siècle après, la paternité des créations précitées reste controversée et, de son vivant, Jack Kirby, par exemple n’a cessé de vouloir rétablir sa vérité. Mais la propension qu’à Stan de se mettre en avant et d’incarner Marvel Comics emporte tout sur son passage.
Dès les années 1960, Stan se rend compte que ses personnages prennent une importance insoupçonnée. Des lecteurs envoient des lettres pour connaître le positionnement de Marvel quant à la guerre du Vietnam, d’autres protestent quand Peter Parker (Spider-Man) ne prend pas part à une manifestation d’étudiants. Conscient de la résonnance qu’ont maintenant les comic books, Il assume alors ses responsabilités et signe des éditoriaux où il dénonce le racisme et les esprits étroits. A la fin d’un épisode des X-Men datant de 1966, il conclut : « Défiez-vous des fanatiques ! Trop souvent, leur remède est pire que les maux qu’ils dénoncent« .
Bientôt le nom de Stan Lee devient une sorte de formule magique qui orne chaque début d’histoire – en VF, « Stan Lee présente » – mais lui n’écrit plus, laisse les scénarios aux autres pour assurer le service après-vente. Il donne de la personne dans les conventions de comics, rencontre les fans et pense surtout au cinéma. Transposer sur grand écran les aventures de ses personnages constitue son rêve. Il pense y arriver un jour avec Alain Resnais – le duo envisage de faire un film sur Spider-Man – mais c’est d’abord la télévision qui accueille ses personnages.
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Joan et lui déménagent à Hollywood, lui fait du ciné sa priorité mais il essuie d’abord des échecs. En 2000, lorsqu’il approche des quatre-vingt ans, Bryan Singer transforme les X-Men en héros de cinéma. C’est l’heure de l’embellie, à partir de 2008, Marvel Studios pose film après film son univers. Lui est crédité comme producteur exécutif et surtout agrémente chaque long- métrage d’une apparition cocasse, tel Alfred Hitchcock. Plus que sa dernière création – Chakra l’invincible créé pour le marché indien – ce sont ces ultimes caméos que l’on retiendra, cerises sur le gâteau pour cette légende de la pop culture. OK, il est mort le 12 novembre 2018 – bientôt baptisé le « Stan Lee Day » ? – mais on est sûr qu’on le reverra en hologramme. En tout cas, ses créations, des mythes modernes, lui survivront pendant longtemps tant il a été en avance sur son temps.
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