A la fois émouvant et décevant, le dernier épisode musical de ce qui fut l’une des plus belles séries de la décennie se déroule sans Jeffrey Tambor.
Il n’y a pas eu, ces dernières années, de série plus puissante politiquement et plus forte émotionnellement que Transparent. Un beau et sincère mélange qui accompagnait l’héroïne Maura dans tous ses états. Dès le pilote, “Mopa” (contraction de “mom” et “papa”) révélait sa transidentité à ses enfants médusés et fascinés, quelques mois avant ses 70 ans.
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Pendant quatre saisons pleines, la création de Jill Soloway a suivi à la fois un désir de comédie familiale alternative et son ADN naturel, celui d’une réflexion ultra contemporaine embrassant les frontières du genre de manière souvent joyeuse, excitante, parfois mélo.
L’exploration, tel était le maître mot d’une fiction où toutes les glissades plus ou moins contrôlées faisaient le cœur du récit, chacun.e se révélant à l’épreuve de cette nouvelle bouleversante et libératrice. Transparent est finalement devenue un laboratoire queer, une longue et brillante réflexion sur nos désirs de transformation et de ne plus vivre caché.e.s.
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Une dernière saison sans Jeffrey Tambor, accusé de harcèlement sexuel
Cet élan a été brisé entre la fin 2017 et le début 2018, quand Jeffrey Tambor (l’acteur principal, qui incarnait la femme transgenre Maura) fut accusé par Trace Lysette, comédienne de la série, ainsi que par une autre personne trans membre de l’équipe technique, de harcèlement sexuel. Alors que MeToo ciblait avant tout les lieux “attendus” de la discrimination et des violences faites aux femmes, Transparent incarnait subitement bien malgré elle l’ampleur de l’épidémie à Hollywood.
Plus personne n’était à l’abri, aucun lieu n’était protégé. Tambor se voyait montrer la porte quelques mois après ces révélations et la série était immédiatement mise en danger, au point de risquer une disparition pure et simple. C’est donc un petit miracle qui se dresse face à nous sous la forme d’un unique épisode d’une heure quarante.
Ecrit par Jill et Faith Soloway, ce “finale” se déploie comme un post-scriptum déroutant plutôt qu’une pure conclusion
Ecrit par Jill et Faith Soloway, ce “finale” – le mot vient de la musique et de l’opéra mais reste très utilisé aux Etats-Unis dans les séries – se déploie comme un post-scriptum déroutant plutôt qu’une pure conclusion. L’épisode commence par l’annonce de la mort de Maura, qui a lieu hors champ. Comme sa présence au monde aura changé la vie des autres, son décès produit aussi un effet de sidération collective. Ce sont ces ricochets émotionnels et humains que filme Soloway, mais dans un cadre nouveau.
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Un “finale” sous forme de comédie musicale
Par un choix aussi surprenant – au vu de ce qu’était la série jusqu’à présent – que logique, étant donné le parcours commun de Jill et Faith Soloway qui ont notamment collaboré à Chicago sur The Real Live Brady Bunch au début des années 2010, Transparent devient une comédie musicale où les personnages chantent leurs tourments et leur besoin d’amour. “C’est une série qui fait sa transition en film, puis en comédie musicale”, a expliqué Jill Soloway.
La découverte d’une comédienne trans divine (Shakina Nayfack) confirme la puissance d’apparition qui a toujours présidé à la série. Rythmé par les chansons, l’épisode tourne autour du deuil de Maura, que Soloway a le mérite de ne pas traiter à la légère. C’est l’aspect le plus convaincant.
Rythmé par les chansons, l’épisode tourne autour du deuil de Maura. C’est l’aspect le plus convaincant
On tremble devant Shelly (merveilleuse Judith Light), qui reprend sa vie en main par la création, on reste au plus près de la petite bande, Sarah (Amy Landecker), Josh (Jay Duplass) Ali (Gaby Hoffman), lors d’un kaddish (prière en présence des mort.e.s dans la tradition juive) mené par Davina (Alexandra Billings).
Le deuil était déjà le sujet de l’un des meilleurs épisodes de Transparent dans la sublime troisième saison (la mort de Rita), et c’est logique de retrouver dans ses derniers moments le concentré d’extase et de mélancolie commun à toutes les bonnes séries qui s’achèvent.
Il reste malgré tout une déception : Transparent, d’une certaine manière, a laissé de côté son potentiel de pure fiction en interaction avec le monde pour se replier sur elle-même. Elle raconte désormais assez peu de choses, se concentre sur la célébration de son propre univers, de ses corps, de son existence même. C’est potentiellement lassant. On ne peut s’empêcher de regretter l’autre série, la série d’avant, celle qui n’aura jamais vraiment de fin.
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