Le troisième album du rappeur d’Aubagne revisite le mythe du mafieux. Sombre, dense et romanesque, JVLIVS est la bande originale idéale d’un malaise existentiel.
En 2015, l’univers de SCH s’ancrait dans celui du grand banditisme méditerranéen, s’inspirait ouvertement des schémas narratifs de Gomorra et faisait de sa mixtape (A7) le symbole d’un rap cafardeux, égotique, qui aime autant l’introspection et la sophistication que niquer les mamans du monde entier.
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A l’époque, le rappeur d’Aubagne développait la vie d’un tueur à gages, empruntait des structures au rap américain et ne faisait ni mystère ni gloire de ses émotions contrariées. La suite, malheureusement, s’est révélée plus inégale, les albums Anarchie et Deo Favente étant peut-être trop influencés par le flow de Migos et déséquilibrés par des excursions vers le format chanson pas forcément abouties (La Nuit, J’attends).
Réaffirmer l’entité SCH
Tout l’enjeu de JVLIVS se trouvait là : réaffirmer l’entité SCH, prouver que ce troisième album n’est pas celui d’un artiste cherchant à rester dans la tendance avec des disques surproduits, mais le témoignage d’un gars qui n’a jamais cessé d’avoir les nerfs, et d’en faire des morceaux tranchants, à vif. En cela, l’introduction Le Déluge, écrite par le rappeur toulousain Furax et interprétée par José Luccioni (doubleur d’Al Pacino), fait parfaitement sens : très cinématographique, elle narre l’histoire d’un jeune homme né dans une marre de sang, qui a vite acquis le sens des affaires et parcourt fièrement les rues qui l’ont vu “semer le plomb et la mort”.
La poésie au creux d’un univers mafieux
JVLIVS, ce n’est donc pas l’album d’un gentil petit minot, assagi par le succès. C’est celui d’un rappeur persuadé que le monde lui appartient et prêt à s’en prendre à quiconque aura l’inconscience de lui barrer la route. On est bien évidemment en droit de trouver ce projet un poil trop long (dix-sept titres, tout de même !), et un peu trop raide dans la forme. Mais l’interprétation très sentie de SCH, sa capacité à varier les intonations contrebalance une légère redondance. Surtout, Katrina Squad est de retour à la production, et cela permet indéniablement à SCH de flirter avec ce qu’il maîtrise le mieux : un rap sombre, dense et romanesque, qui traque la poésie au creux d’un univers mafieux.
Car, au-delà des bangers (VNTM) et des velléités pop (Le Code, Ciel rouge), JVLIVS peut s’entendre comme la BO d’un film noir, sans jamais tomber pour autant dans les stéréotypes du genre. SCH a compris que les grandes fictions criminelles sont celles qui introduisent de la nuance et dessinent en creux leur époque et la personnalité de leur (anti-)héros, ses arrière-pensées, sa part d’ombre et ses maux au cœur.
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