Parasitant la culture pop à coups de montages DIY inspirés de blockbusters ou d’œuvres cultes du cinéma des années 1980-90, Flash Club est devenue une des pastilles les plus attendues de l’émission Quotidien de Yann Barthès. Ses inventeurs Clément Fortin et Florent Pinget racontent (presque) tous leurs secrets de fabrication.
Souvenez-vous, c’était en 1993. Muni d’un ticket magique, un gosse lunaire s’assoit au fond d’une salle de cinéma aux fauteuils feutrés. Sous nos yeux ébahis, il investit le monde fantasque de l’increvable flic Jack Slater, surhomme mastoc à la Schwarzenegger – logique, c’est l’Autrichien lui-même qui l’incarne. Ce pitch, celui de Last Action Hero, Clément Fortin et Florent Pinget du Flash Club en ont fait leur credo.
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Chaque jeudi, ils détournent le film qui succède au Quotidien de Yann Barthès. Le temps d’un sketch de deux minutes, ils s’immiscent de l’autre côté de l’écran. Blockbusters, pépites pop et fictions fétiches des années 1980-90 sont leurs terres d’évasion, mais aussi leur cour de récréation. On les voit digresser avec Bruce Willis, Mel Gibson et Matt Damon. Un gimmick geek dans l’air du temps.
Mel Gibson, “con comme un boulon”
Flash Club sonne comme Flashdance. C’est un nom qui sent bon les garde-robes fluos, le lifestyle flashy et le kitsch facile. A écouter Clément (barbu, cheveux courts) et Florent (barbu, cheveux longs), tout chez eux respire justement le vintage. Ils disent “bosser à l’ancienne”, balancer du “old school” et “avoir un train de retard” par rapport à tout un pan de la production web caustique.
Avant d’être repérés par Laurent Bon, producteur du talk-show de TMC et fleuron du PAF, les lurons du Flash Club parasitaient déjà sur leur chaîne YouTube les madeleines de notre adolescence, des pétarades testostéronées aux romances fleur bleue. Depuis décembre 2016, ces nostalgiques des vidéoclubs et des magnétoscopes mastoc s’incrustent dans les classiques du cinéma pop-corn à coups de montages ingénieux, astuce du champ-contrechamp et décors minimalistes créant l’illusion. Dans cette dimension, Mel Gibson est “con comme un boulon”, Robin Williams passe pour un psychopathe du Monopoly, Kevin Spacey pour un pervers (jolie prémonition) et John Rambo pour un pataud ivre. Du grand art.
“A l’heure des comiques polémiques, on propose de l’humour léger, qui fait respirer les gens”
“On ne fait ni dans l’actu ni dans la politique, notre univers à nous est l’absurde. A l’heure des comiques polémiques, on propose de l’humour léger, qui fait respirer les gens”, souffle Florent, dont l’humour régressif de lycéen contraste avec sa vraie gueule d’acteur mature au regard azuré. Les racines de ce décalage, il faudrait les chercher quelque part dans le XIe arrondissement de Paris, il y a déjà treize ans de cela, du temps de ses cours de théâtre à l’Atelier international de Blanche Salant et Paul Weaver. Là, il rencontre un certain David Marsais, la moitié du Palmashow.
Les années défilent et, entre deux pubs et une apparition dans Le Before du Grand Journal, Florent interprète et écrit quelques “Very Bad Blagues” pour le duo d’humoristes, avant de croiser Clément, alors vendeur de fringues et déjà friand de pastiches 2.0 fait maison. Ce qui les lie ? “Un ami en commun”, mais surtout l’humour. “Pas de postiches et de fausses moustaches chez nous : on ne fait pas dans le fou rire mais dans l’humour de situation chelou envahi par le malaise”, disserte Clément. De quoi nous rappeler en pleine rétromania (cf. Stranger Things, Jurassic Park et Star Wars) que notre amour des décennies passées doit autant aux bluettes inoffensives à la Dirty Dancing qu’au jeu d’acteur creepy as fuck de Nicolas Cage.
« Des situations à la con qu’on a tous connues”
“L’idée du Flash Club, c’est que ce soit spontané, avec de vraies gueules de cinéma mais en version ‘sale image’, sans HD ni chute. L’inconfort naît des situations à la con qu’on a tous connues, comme se faire refouler par un videur de boîte… incarné par le Terminator”, s’amuse Clément. Bref, du comique d’observation, mais bidouillé façon MacGyver. Chaque film trafiqué nécessite plusieurs visionnages et un découpage au peigne fin : on déplace la bande-son, on ajuste au montage, on s’élabore un décor en trompe l’œil.
Aucun fond vert mais de la débrouille de série Z. “Qu’on détourne Taxi Driver ou Top Gun, la plupart de nos vidéos sont filmées dans un bureau blanc !”, s’esclaffe Florent en insistant sur ce désir de “se fondre dans le décor physiquement, le toucher, quitte à recouvrir les murs de Scotch et à s’immerger dans le Gladiator de Ridley Scott… avec un pauvre bout de carton en arrière-plan”.
Sous cette philosophie do it yourself se décèle une sorte d’exégèse cinéphile. L’air de rien, en se payant le nec plus ultra des films de cabrioles (Kickboxer, Top Gun), de gangsters (Reservoir Dogs, Scarface) et autres grands spectacles à gros budget (Le Choc des titans), Clément et Florent captent ce que la pop culture contient de plus déconcertant, des furtifs moments d’égarement qui perturbent les rouages de la machinerie hollywoodienne aux instants de cabotinage hors cadre.
“Garder les accidents, bafouiller, hésiter ou se taire…”
Sous la dérision de ces parasitages se révèle l’inquiétante étrangeté du cinéma pop-corn. Des performances de superstars sous poudreuse (Al Pacino, JCVD) aux déstabilisantes mimiques de Tom Cruise et Brad Pitt, le pastiche cinéphile se met au service d’une étrangeté mainstream inconsciente mais réjouissante. “Quand on transforme Superman en romance crypto-gay par exemple, il s’agit toujours de conserver l’esprit du film, tout en créant l’inattendu. Se permettre des choses qu’on ne se permet pas d’ordinaire dans un film. Garder les accidents, bafouiller, hésiter ou se taire…”, théorise Clément.
L’improvisation forcément provoc des comédiens éclate alors dans des cadres figés, meilleure forme d’interaction possible avec un Bruce Willis ou une Julia Roberts qui, sans le savoir, répondent naturellement aux blagues des deux pirates de l’image. “Mais par-delà ce côté méta, le Flash Club est avant tout un délire de gamins. On a tous rêvé un jour d’être dans un film, de passer de l’autre côté de l’écran, de marcher au ralenti sur un pont avec de la musique épique et une voiture en feu derrière”, tient à préciser Florent tout en sirotant son allongé.
“On sait qu’on ne va pas faire ça toute notre vie, même si on veut continuer d’explorer notre monde nerdy et délirant, celui des années 1980 et 90”
Avant de se découvrir une passion pour l’humour pointilleux de Jerry Seinfeld, Clément et Florent ont été bercés aux rires d’otarie de Dominique Farrugia. Aujourd’hui encore, ils ne se lassent pas de ressasser les airs de faux benêt d’Alain Chabat, “cette façon d’avoir l’air débile sans rien faire de spécial, sans grimace ou blague particulière derrière”. Bref, ils se disent “plus Nuls qu’Inconnus”. Sauf que nuls, ils ne le sont pas ; inconnus, ils ne le sont plus.
Depuis leur arrivée chez Quotidien en octobre 2017, entre les happenings distingués de Vincent Dedienne et le portnawak hystérique d’Eric et Quentin, ces deux férus des films du dimanche soir étendent leurs gamineries dans un écrin de soie. “C’est une large fenêtre qu’on nous offre et l’émission nous a apporté une rigueur, une gymnastique du détournement, admet Florent, mais on sait déjà qu’on ne va pas faire ça toute notre vie, même si on veut continuer d’explorer notre monde nerdy et délirant, celui des années 1980 et 90.”
“Etre là aujourd’hui… et demain, tu n’existes plus”
“Quand Laurent Bon te contacte, c’est pas dégueulasse”, modère Clément, qui aime moins s’appesantir sur le passé qu’épiloguer sur l’avenir. Lucide sans sombrer dans le spleen, il raconte n’avoir “jamais célébré le fait de passer à la télé, car dans ce milieu, tout se consomme rapidement et tu peux vite disparaître. Etre là aujourd’hui… et demain, tu n’existes plus”. Oui, un peu comme Marty McFly sur sa satanée photo de famille.
Mais le zapping attendra. Façonnés pour les 25-45 ans, les piratages du duo se poursuivent jusqu’en juin sur petit écran. Leurs cibles de rêve ? Titanic, Fight Club, Wayne’s World ou encore Gremlins. Seul le ciel est la limite. “Après, si on tombe sur La Liste de Schindler ou Philadelphia, faudra faire gaffe à ce qu’on va mettre derrière”, note cependant Clément, un rien rigolard. On lui fait confiance pour que le Flash Club ne se transforme pas en Flop Club.
Flash Club Chaque jeudi dans l’émission Quotidien sur TMC
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