Assis sous son porche, le Loner revisite ses protest songs du passé pour s’en prendre au présent. Un anticonformisme à double tranchant.
C’est de ses fireside sessions domestiques que Neil Young a tiré ces sept titres. Armé de sa guitare sèche et de ses pieds qui martèlent le porche boisé, en gardien d’un temple terrien et passager, le songwriter revisite le versant politique de son répertoire des années 1970. Autour de Looking for a Leader, plus récent et déjà réactualisé, s’articule un bouquet de fleurs empoisonnées envoyé sans équivoque à la face de tout ce que Trump drague avec cynisme.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Mais le ton n’est plus au brûlot, dès cet Alabama presque nu, cru, sans ce qui lui restait de rutilance sur Harvest. Demeurent les mots, comme un pied de nez à la polémique qui opposa naguère le Canadien aux sudistes Lynyrd Skynyrd. Des mots lâchés par une voix fragile, notamment sur un très beau Campaigner avec son “ici, même Richard Nixon avait une âme” – désormais conjugué au passé.
Les temps changent, mais ils évoluent à rebours
Ni électricité, ni réverb, ni harmonies rassérénantes : l’assèchement est si saisissant sur Southern Man qu’on croirait tout espoir évaporé. Reste pourtant son fantôme, le souffle de cet harmonica qui habite aussi le seul titre emprunté par Young à l’un de ses pairs : The Times They Are A-Changin d’un Bob Dylan dont il avait déjà repris Girl from the North Country dans Letter Home (2014) avec lequel The Times partage d’ailleurs rapidité d’exécution et patine burinée.
Les temps changent, mais comme le précisait Dylan lui-même à la sortie de son vernaculaire Love and Theft (2001), ils évoluent à rebours. Cette convergence des temps créé une forme de vertige, mais un autre trouble interroge quant au sens des quichottesques combats du Loner. Ce supporter de Bernie Sanders, qui évite les stades sans âme, a choisi (tout à son amour fondamentaliste de la qualité sonore) de ne sortir ce nouvel ep que sur la plateforme du géant Amazon, peu connu pour son idéalisme.
Sans résoudre ce paradoxe, on dira que Young entend peut-être titiller les consciences mais nous prend surtout par les sentiments. En nous laissant, par exemple, sur la prégnante mais spectrale sensation d’intimité d’un Little Wing susurré, poétiquement chargé d’un optimisme vacillant : des petites braises en attente du vent qui les transformera à nouveau en flammes ?
The Times Reprise/Warner
{"type":"Banniere-Basse"}