Avec son nouveau groupe, L’Œil Nu, la Montréalaise délaisse sa techno existentielle pour s’essayer aux chansons avec de sublimes réussites.
Mais quelle joie ! On pourrait presque s’arrêter là tant ces trois petits mots placés les uns à la suite des autres composent un parfait résumé de nos multiples écoutes de Renegade Breakdown, premier album de la trop méconnue (mais réveillez-vous, sérieux) Marie Davidson avec sa nouvelle formation baptisée L’Œil Nu. Une formation composée du mari de Marie, Pierre Guerineau – avec lequel elle forme également le merveilleux duo Essaie Pas – ainsi que du multi-instrumentiste Asaël R. Robitaille.
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Avec la Montréalaise Marie Davidson, il a toujours fallu s’accrocher, tant projets et sorties n’ont cessé de se multiplier au fil des années (dont quatre albums solo), sans qu’une carrière se dessine au-delà des clubs. Si Davidson assurait à longueur d’interviews être une véritable control freak doublée d’une workaholic, nous la voyions moins carrée, plus éparpillée, ou simplement avide de combler le vide existentiel par la production musicale.
D’amours, Marie en a plusieurs
Une personnalité complexe, multiple, qui n’a jamais caché une tendance à la dépression, confiant à Resident Advisor (dans le très bon documentaire en ligne Behind the Beat) ne pas avoir choisi le bon métier au regard de sa fragilité psychologique. Car Marie Davidson – qui, comme beaucoup, fait son beurre du live – a aussi raconté la difficulté de tourner seule avec sa petite valise, d’enchaîner les villes et les hôtels, de se retrouver confrontée à la solitude, de chercher encore et encore la force amoureuse nécessaire pour monter sur scène.
D’amours, Marie en a plusieurs : le disco, la pop, le funk, l’ambient, la techno, les musiques expérimentales, le spoken word – qu’elle pratique à merveille – la frappe, le kick, et les compositions d’Angelo Badalamenti, qui signa, entre autres, la bande originale de la série Twin Peaks. Mais jusqu’ici la colonne vertébrale se tenait : un étrange mélange de darkwave dépressive, de techno au marteau piqueur et, donc, de spoken-word électronique avec une dose d’humour et d’excentricité.
Renegade Breadown rompt avec la tradition, et nous fait mieux comprendre la décision prise par Davidson en 2019 de quitter la scène club. Renegade Breakdown est un album de chansons. Cheloues, les chansons, certes. Mais chansons pop quand même, principalement chantées en anglais avec quelques incursions ici et là en français.
Une diversité qui transforme chaque titre en un petit monde en soi, comme si chacune d’entre elles reflétait une certaine heure de la même soirée. Le disco de Worst Comes to Worst n’a pas grand-chose à voir avec la magnifique ballade synth-rock Back to Rock. C’est parce que j’m’en fous a l’énergie pop insolente d’une Lio quand Just in My Head trempe dans le jazz d’un Chet Baker.
Et que dire du single d’ouverture de l’album qui mériterait que l’on organise une fête à sa gloire, juste pour l’y faire rayonner à fond. C’est un single qui a la puissance, la dextérité, le génie d’encapsuler l’énergie abrasive d’une soirée, avec son insolence en latex, bien collante, bien humide. Et ce génie de break à 2:36 en forme de feu d’artifice à la Mylène Farmer. On ne comprend pas tout ce qu’elle dit, Davidson, mais sa voix haut perchée a le don de coller des gouttes de sueur excitées dans le bas du dos. C’est une très belle réussite.
Renegade Breakdown (Ninja Tune)
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