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Les paysages partagés
La 15e Biennale d’Art Contemporain de Lyon s’ouvre sous le signe du collectif. Confié au Palais de Tokyo, le commissariat se décline en sept têtes chercheuses, soit sept commissaires associés à l’institution parisienne : Adélaïde Blanc, Daria de Beauvais, Yoann Gourmel, Matthieu Lelièvre, Vittoria Matarrese, Claire Moulène et Hugo Vitrani.
Alors que la Biennale s’installe dans un nouveau lieu, les anciennes Usines Fagor dans le quartier de Gerland, celle-ci invite une cinquantaine d’artistes à concevoir leurs œuvres in situ, comme s’insérant dans un paysage – biologique, économique et cosmogonique. Pas de thème spécifique, donc pour cette Biennale intitulée « Là où les eaux se mêlent » qui, on le pressent, mise davantage sur les artistes et leurs œuvres, qui trouveront la place pour se déployer à leur aise, que sur un effort de conceptualisation novateur ou de capture de l’air du temps.
Ces artistes, parmi lesquels Rebecca Ackroyd, Nina Chanel Abney, Le peuple qui manque, Pamela Rosenkranz ou encore Trevor Yeung, ont pour plusieurs d’entre eux déjà travaillé avec l’un ou l’autre des curateurs, ceux-ci redéfinissant à cette occasion leur position comme celle d’un dialogue prolongé plutôt qu’un rebattage des cartes à chaque proposition.
• Là où les eaux se mêlent, 15e Biennale d’Art Contemporain de Lyon, du 18 septembre au 5 janvier, à Lyon
Francis Bacon comme vous ne l’avez jamais lu
A l’instar d’autres grands noms de l’histoire de l’art – Marcel Duchamp, René Magritte ou Henri Matisse -, consacrer une rétrospective à Francis Bacon relève du tour de force. Comment faire voir – et le faire autrement – ces artistes entrés dans l’imaginaire collectif, sans décevoir les attentes de chefs-d’œuvre connus ? Et ce, tout en évidant la redondance par rapport aux multiples expositions, forcément blockbuster, qui auront déjà consacré en amont l’artiste ?
Ces stars de l’art, le Centre Pompidou leur a tous déjà dédié une rétrospective pensée comme une relecture. Francis Bacon est le dernier en date, avec une approche placée sous le signe de la littérature, après avoir, à Paris, fait l’objet d’importantes rétrospectives au Grand Palais en 1971 et au Centre Pompidou en 1996.
Tout en se concentrant sur les deux dernières décennies de sa production, de 1971 à 1992, années de la simplification formelle, le conservateur Didier Ottinger superpose à ce cadre chronologique une seconde lecture : l’influence des images venues des lettres sur l’œuvre de Francis Bacon. A la manière d’un dépliage de sa bibliothèque, on entend, lus à haute voix dans des salles attenantes, les livres dont il a tiré, plus que des images, des fulgurances : d’Eschyle à Nietzsche en passant par Joseph Conrad ou George Bataille.
• Bacon en toutes lettres, du 11 septembre au 20 janvier au Centre Pompidou à Paris
Neuf artistes en alerte
La rentrée s’annonce souvent par le Prix Fondation d’Entreprise Ricard. Une exposition, un prix, et une cartographie des forces vives de la création contemporaine, la plupart du temps centrée autour d’un noyau de jeunes artistes liés au territoire français.
Cette année, Claire Le Restif, directrice du centre d’art Le Crédac, à Ivry (Val-de-Marne), s’est chargée de l’exercice, réunissant neuf artistes sous l’ombrelle du « fil d’alerte », c’est-à-dire d’une vigilance aux problématiques actuelles, vibrantes et urgentes. Sans volonté d’exposition transcendante, en accord avec la nature de la tâche – celle d’un prix venant mettre en lumière des démarches plutôt que des œuvres isolées -, la commissaire a choisi de déléguer la voix à celles qui s’expriment actuellement avec le plus d’acuité en France : Paul Maheke, Simon Boudvin, Marcos Avila Forero, Corentin Canesson, Estefania Penafiel Loaiza, Eva Barto, Sarah Tritz, Gaëlle Choisne et Kapwani Kiwanga.
• Le fil d’alerte, 21e Prix Fondation d’Entreprise Ricard, du 10 septembre au 26 octobre à la Fondation d’Entreprise Ricard, à Paris
Le théâtre de la cruauté exposé
Lorsqu’il se rend à Paris, Roger Ballen visite la Halle Saint-Pierre, dans le XVIIIe arrondissement. Pour sa série d’expositions en Europe qui reviendront sur son travail, il a donc tout naturellement fait le choix d’y exposer à son tour. Dans ce lieu dédié à l’art brut, le photographe, Américain d’origine mais Sud-Africain d’adoption, revient sur cinquante années de carrière.
Mais c’est par une partie inédite de son œuvre que l’on pénètre dans son univers sombre et tendre à la fois, habité par la puissance de l’inconscient libéré : des installations, proches de celles d’un Edward Kienholz par la forme, et pourtant immanquablement signées. C’est bien de l’univers ballenesque qu’il s’agit, cet adjectif employé par l’artiste pour le désigner sans lui ôter son mystère : des poupées éventrées, des masques de cire animés, des chiens et des rats, des oiseaux et des trouvailles de marché aux puces, et puis ces têtes aux cavités béantes.
Tous ces éléments, on les retrouve dans ses photographies exposées à l’étage, soit la partie de son travail qui le rendra célèbre et lui assurera autant la reconnaissance du monde de l’art que de la contre-culture – à l’instar du duo Die Antwoord, ses fans sous l’éternel et occasionnels collaborateurs. Des premières séries captant l’Afrique du Sud et ses marginaux sans visage, aux plus récentes quittant le portrait pour basculer dans des mises en scène mêlant réel et fiction, et enfin ses toutes dernières expérimentations en couleur, toutes découlent de ces installations, qu’il n’avait jusque-là jamais montré.
• Le monde selon Roger Ballen, du 7 septembre au 31 juillet à la Halle Saint-Pierre, à Paris
Le corps sans entraves
Au printemps dernier disparaissait Carolee Schneemann, pionnière de l’art féministe et du body-art, connue pour ses performances et ses films-collages revendiquant, pour le corps féminin, le corps nu et libéré, le droit d’apparaître et de le faire depuis les canons de l’histoire de l’art. Carolee Schneemann fut également peintre, comme le rappelle cette rentrée une exposition à la galerie Mfc Michèle Didier.
Pour le corps féminin, elle revendique alors non seulement un statut, entendu, de corps-image, mais également un statut de corps-créateur, s’appropriant avec humour la figure de Paul Cézanne : Cézanne serait une femme, le « -anne » de son nom indiquant forcément une possible subversion. Plus tard, elle s’attaquera, à travers des montages d’images auxquelles elle superpose l’empreinte de son propre corps, à la figure d’un Yves Klein, manière de subvertir les anthropométries de celui pour qui le corps féminin fut un simple outil, laissant son empreinte sur la toile qu’il signait ensuite de son nom.
• Carolee Schneemann, jusqu’au 9 novembre à la galerie Mfc Michèle Didier, à Paris