C’est à un récit sans vie mais non sans âme auquel se livrent Stefan Kaegi et Dominic Huber dans « Nachlass », une installation scénique sur l’héritage : ce qu’on laisse après la mort.
Au bout d’un couloir, une pièce ovale, aux tons gris ; au ciel, une carte du monde d’où surgit aléatoirement, environ toutes les deux secondes, un point lumineux : quelqu’un vient de mourir. Dans cet espace intermédiaire, ces limbes, se croisent les spectateurs-acteurs de cette veillée mortuaire inédite. Ils attendent de pénétrer dans l’une des huit alcôves dont les portes s’ouvrent par intermittence. Ces pièces aux univers variés contiennent chacune toute une vie, celles d’hommes et de femmes qui ont prévu leur mort, l’ont préparée et ont accepté d’en parler. Ce qu’ils souhaitent laisser, transmettre ou simplement évoquer. Leur héritage choisi.
Des petits mondes reconstitués
Il y a le témoignage bouleversant d’Alexandre Bergerioux, graphiste de quarante-quatre ans atteint d’une maladie génétique extrêmement rare qui s’adresse à sa fille qu’il ne verra jamais adulte, mais à qui il doit sa passion pour la pêche. Celui plus prosaïque de Celal Tayip qui a vécu presque toute sa vie à Zurich et souhaite être enterré en Turquie. Ou bien, dans un petit théâtre, le rideau se lève sur un tabouret sur lequel est déposé un pull en angora. Une petite musique en fond et la voix d’une femme raconte une vie, son goût pour la scène, un succès initial et une carrière de secrétaire. Elle raconte aussi qu’elle a choisi d’aller mourir en Suisse, là où il est possible de décider du moment de sa mort.
Des témoignages collectés pendant deux ans
De porte en porte, de petits mondes reconstitués en récits face à la mort, proche ou lointaine, le théâtre documentaire de Stefan Kaegi et Dominic Huber rassemble des témoignages collectés pendant deux ans et rassemblé ici dans une arche aux mille voyages. Mais le plus bouleversant de tous est certainement celui que chacun est amené à faire, constituant au fil de ce parcours son propre héritage.
Du 6 au 17 novembre à la MC93 de Bobigny