La journaliste a remporté ce mercredi le Prix Renaudot essai 2018 pour son tout premier livre, « Avec toutes mes sympathies », où elle évoque son frère suicidé. Et s’interroge sur les causes d’un malheur familial.
“Est-il né malheureux, mon frère, ou l’est-il devenu, happé par ses propres malheurs et une existence jugée insupportable, tant sa réalité objective – ‘J’ai tout pour être heureux’ – jurait avec la perception qu’il en avait.” Alexandre s’est donné la mort en 2015. Sa sœur, la critique littéraire Olivia de Lamberterie, interroge aujourd’hui le chagrin insondable que portait inexplicablement cet homme brillant, père et époux comblé.
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Dans ce texte plein d’émotion, certaines phrases hantent longtemps le lecteur, qui disent le manque et le désespoir. Mais l’auteure a su également trouver la distance nécessaire pour réfléchir aux causes possibles du geste de son frère, et analyser la famille et le milieu, privilégié mais rigide, dans lequel tous deux ont grandi.
Perdue dans des questions qui resteront sans réponse
Elle se remémore aussi les innombrables médecins qu’Alexandre a approchés et qui n’ont pas su le soigner. Sa colère sourde ajoute à la singularité de ce livre, qui plus qu’un hommage au disparu dit aussi la difficulté des personnes en souffrance à être écoutées. Car il est une énigme dans cette vie tôt arrêtée, celle des suicidés des générations précédentes.
Comment les expliquer ? Comme une malédiction, ou un héritage ? Y aurait-il une explication génétique, et donc médicale, à cette incapacité à vivre ? Et l’auteure comprend qu’elle aussi a été frappée du même mal, mais a pu miraculeusement y échapper et se construire du côté de la vie.
Alors, perdue dans des questions qui resteront sans réponse, Olivia de Lamberterie se souvient des épisodes tristes, quand un “désespoir sans objet le tuait à petit feu”, mais aussi des jours lumineux, quand Alexandre semblait aller bien et charmait ses proches par son esprit et sa générosité.
Elle ouvre des portes, cherche dans sa mémoire, ne se lasse pas de parler de ce petit frère si beau pour partager avec le lecteur ce qu’il a été, désolée que tout le monde n’ait pas eu la chance de le connaître. Et chaque phrase supplémentaire est, aussi, une façon de le garder à ses côtés. Sylvie Tanette
Avec toutes mes sympathies (Stock), 256 p., 18,50 €
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