L’adaptation du roman de Christine Angot sur la relation à sa mère. Périlleux mais rendu possible par le traitement subtil de Catherine Corsini. Emouvant et habité.
Dans la seconde moitié des années 1950, à Châteauroux, Rachel (Virginie Efira) est une jeune employée de bureau. Elle a une liaison avec un fils de famille cultivé, Philippe (Niels Schneider), dont elle tombe rapidement enceinte. Mais hors de question pour lui d’épouser Rachel : ils ne sont pas du même milieu, elle n’est qu’une passade et il le lui a toujours signifié très clairement.
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La petite fille qui naît s’appelle Chantal. Rachel ne va pas cesser d’essayer de convaincre Philippe d’accepter de la reconnaître. Elle y parvient enfin après une dizaine d’années de lutte. Le père et la fille, devenue adolescente, se rapprochent. En réalité, Rachel découvre un jour que Philippe viole leur fille à chacune de leurs rencontres.
Adapter le roman éponyme de Christine Angot, qui raconte l’histoire de la vie de sa mère, de sa propre enfance et de sa jeunesse, était sans doute une gageure. Pourquoi ? A cause du père, bien sûr, personnage indéfendable qui, de bout en bout, accumule les tares : bourgeois méprisant, amant quand il en a envie, et père incestueux. Toute la réussite du film tient à une idée aussi simple qu’intelligente : jamais le personnage de Philippe n’est chargé par la mise en scène. Ses actes et ses paroles suffisent à le condamner.
Le mépris social, le sexisme et la violence intérieure d’un homme de sa génération
En cela, le choix d’un acteur comme Niels Schneider, beau, élégant, doux, et la manière dont il est dirigé s’avèrent tout à fait judicieux. Finalement, tout lui semble normal, il obéit sans mauvaise conscience aux règles de son milieu, de son époque.
Son mépris social, son sexisme, sa violence intérieure sont ceux d’un homme de sa génération pour qui tout cela est naturel, qui perpétue les lois tacites du patriarcat sans se poser de questions sur le mal qu’il commet, parce qu’il s’en fiche, au fond.
C’est à ce prix que cette adaptation périlleuse devient possible. Et ce portrait de deux femmes – mère et fille, qui vont même finir par se fâcher – détruites par la liberté absolue d’un homme, devient une allégorie universelle, non un règlement de comptes personnel.
Depuis son film précédent, La Belle Saison (avec Cécile de France et Izïa Higelin), qui montrait la passion entre deux femmes sur fond de montée du féminisme, Catherine Corsini semble avoir retrouvé un nouveau souffle, une nouvelle inspiration, en parfait accord avec l’exaspération actuelle de toutes les femmes face à la violence des hommes. Jean-Baptiste Morain
Un amour impossible de Catherine Corsini avec Virginie Efira, Niels Schneider, Camille Berthomier (Fr., 2018, 2 h 15)
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