Une vrai-faux polar pop où l’excès vient écraser les possibilités de burlesque.
Le titre est celui d’un vieux pulp magazine aux pages jaunies ; le pitch, celui d’une espèce de Cluedo tarantinoïde en huis clos ; et le casting pourrait bien faire l’effet d’un poids lourd US à la lisière de l’oscarisable. Sale temps à l’hôtel El Royale ne pouvant pas être tout cela à la fois, qu’est-il vraiment ?
La ristourne est plus ou moins connue : c’est une vraie-fausse série B, un polar pop qui singe la théâtralité charmeuse du bis, à travers la réunion plus ou moins hasardeuse d’une galerie de personnages estampillés “hauts en couleur” (un dandy bruyant, un vieux prêtre sympathique, une belle à fort caractère…). Une mauvaise ironie embaume le projet, carte postale trop cabotine pour être honnête.
Il y avait pourtant de bonnes idées de départ, au premier rang desquelles une installation assez savoureuse des lieux, avec un hôtel à la frontière de deux Etats – selon la chambre qu’on choisit, ou la moitié de la salle de réception où l’on se tient, on paiera plus cher, ou bien l’on pourra boire, ou bien l’on pourra jouer, etc. – et qui fourmille de chausse-trapes, miroirs sans tain et autres butins cachés.
Malheureusement, un excès de masse vient écraser les possibilités de burlesque et de faux-semblants qu’on flairait, dès lors que Drew Goddard (La Cabane dans les bois) parachute là-dessus des kilotonnes de secrets et d’intrigues, dont il se désintéresse pourtant aussitôt. Sectes baba, rebuts du show-business, braquos, voyeurisme organisé et même un peu de Vietnam : mais de quoi ça parle ? De rien : Sale temps… prend du poids scène après scène sans installer aucune assise. Le projet n’était apparemment que de blaguer sur un format. Ça fera joli en version VHS à blister artificiellement vieilli, sur un présentoir Urban Outfitters. Mais de là à regarder le film…
Sale temps à l’hôtel El Royale de Drew Goddard (E.-U., 2018, 2 h 22)