La bande de Bristol lance son offensive sur un troisième acte cathartique de son programme de libération des masses.
La guerre est depuis longtemps déclarée. Le véhément chanteur d’IDLES Joe Talbot n’avait eu de cesse de nous le répéter au cours d’une rencontre parisienne, en septembre dernier. “L’Angleterre connaît actuellement une guerre des classes qui ne date pourtant pas d’hier. Nous devons rester vigilants et agir pour que nous ayons tous les mêmes chances de nous en sortir”, observait-il avec fermeté, seulement quelques jours après avoir bouclé l’enregistrement d’Ultra Mono, le troisième album du groupe mis en boîte au studio La Frette dans le Val-d’Oise.
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Ouvertement engagée, la clique de Bristol a toujours eu l’espoir d’insuffler un changement de paradigme avec sa musique tout en y cherchant la résilience. Celle de ses propres membres comme celle de ses nombreux fans, à qui IDLES offre une caisse de résonance.
Un nouveau brûlot fracassant
Sortis de nulle part en 2017, les Anglais s’étaient ouverts à l’introspection sur le fulminant Brutalism avant de signer leur manifeste quelques mois plus tard avec Joy As an Act of Resistance (2018), brûlot urgent et symptomatique d’une société aussi fragmentée qu’enlisée dans un Brexit sans fin. Deux ans après, Ultra Mono sonne la charge.
Fidèle aux entrées en matière fracassantes, War, le bien nommé morceau d’ouverture, dévoile le mode opératoire employé sur ce troisième acte. Rythmique implacable, guitares virulentes, hurlements viscéraux… Le son est monolithique et se fait radical. Jamais IDLES n’a semblé sonner aussi fort. Pour cause, le producteur de hip-hop américain Kenny Beats, reconnu pour ses collaborations avec Vince Staples, Denzel Curry ou JPEGMafia, est venu superviser les opérations pour s’assurer qu’Ultra Mono rivalise avec les mastodontes soniques du rap actuel.
Mais derrière cette propension à frapper fort, la bande de Bristol, épaulée par le tandem Adam Greenspan/Nick Launay, déjà présent aux manettes de Joy, laisse surtout transparaître un certain lâcher-prise qui illustre le concept même du projet : “I am I”.
Faire cracher les amplis
Derrière cette formule érigée en mantra, Ultra Mono s’impose comme une invitation à l’acceptation et à l’affirmation de soi, doublée d’une célébration de l’instant présent. Un disque méta, où IDLES applique sa propre méthode tout en livrant les principes fondamentaux de son enseignement (Mr. Motivator). L’enregistrement est alors cathartique.
Les portes du studio sont même exceptionnellement ouvertes à une poignée d’invité·es (Jehnny Beth sur le précepte féministe Ne touche pas moi, le saxophoniste Colin Webster sur Reigns, sans oublier l’improbable rencontre entre la bile de David Yow de The Jesus Lizard et le piano de Jamie Cullum sur Kill Them with Kindness).
Au fil des douze pistes, les traditionnels motifs post-punk du quintette donnent dans le noise et le post-hardcore. Alors que la section rythmique muscle davantage le jeu, les guitaristes Lee Kiernan et Mark Bowen font cracher leurs amplis à l’aide d’une palette d’effets nettement plus acérés (A Hymn, Danke). De son côté, Joe Talbot poursuit sa quête intérieure d’authenticité et en profite pour régler ses comptes avec ses détracteurs (The Lover). “Do you hear that thunder ?”, s’interroge-t-il sur le puissant Grounds. Preuve que le Blitzkrieg est définitivement engagé.
Ultra Mono (Partisan Records/PIAS), sortie le 25 septembre
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