Dans un court texte à fragments, Célia Houdart imagine “la vie rêvée” des habitants du 168, rue de Crimée en liant l’architecture, les lettres et l’intime.
Internet. Google View. Recherche : 168, rue de Crimée. Mode Satellite. Zoom au max. Deuxième itinéraire, après celui, traditionnel, d’avoir ouvert le livre, tourné une page. Et déjà, le projet de Célia Houdart s’esquisse : il s’agit ici de décloisonner le littéraire, l’extraire de la page pour donner à lire autant qu’à “admirer”. Le mot reviendra tout au long du texte, comme une rengaine, comme un conseil, comme une prescription.
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Il y a un an déjà, l’auteure suivait de sa plume les lignes épurées de la villa E-1027 conçue par l’architecte irlandaise Eileen Gray à Roquebrune-Cap-Martin et en faisait le personnage principal de son solaire Tout un monde lointain (P.O.L). Le regard de l’écrivain comme une invitation à entrer. Faire effraction. Délicatement.
Aux 212 fenêtres répondent 212 fragments de fiction
Sur Google View, au 168, rue de Crimée, la 3D dévoile une cour pavée qu’encadrent une ancienne imprimerie transformée en studios d’artistes et un immeuble faubourien strié de loggias. Et puis, deux bâtiments géométriques et modernes, qu’on dirait couverts d’or. La cour a ainsi des airs de place futuriste, de villa étincelante.
La réhabilitation de l’espace est signée Sarah Bitter, cofondatrice de l’agence Metek. Une architecte qui envisage son art comme un geste total. Et n’en déplaise à Frank Zappa, elle pense qu’on peut “danser sur l’architecture” et même la filmer ou l’écrire. Alors, pour l’inauguration, Sarah Bitter a invité danseurs, cinéastes, philosophes et écrivains à magnifier son projet.
Ainsi, Célia Houdart a décidé d’imaginer “la vie rêvée” des futurs habitants de ces trente et un logements sociaux d’architectes. Aux 212 fenêtres répondent 212 fragments de fiction : un artiste-vidéaste qui capte son voisin, un homme qui boit son café, un couple qui dort à la belle étoile ou une femme qui apprend l’italien en écoutant des opéras à la radio. Inventaires et inventions de ces intimités fugitives qui façonnent l’utopie collective. Car l’architecture, rappelle Célia Houdart, est avant tout un art qui se vit. Bienvenue chez eux.
Villa Crimée (P.O.L), 96 p., 14 €
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