Créé avec les acteurs de la Schaubühne de Berlin, ce spectacle adapté du roman de Virginia Woolf traverse sans coup férir les époques, les sexes, l’Orient et l’Occident, le théâtre et le cinéma.
Figure queer par excellence, le personnage d’Orlando imaginé en 1928 prend sa source en la personne bien réelle de l’amante de Virginia Woolf, la romancière Vita Sackville-West. Pure fantasmagorie, Orlando naît homme au XVIe siècle dans une famille de haute noblesse, sous le règne d’Elizabeth I dont il devient l’amant, le trésorier et l’intendant.
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Orlando goûte à tout : le pouvoir, l’amour, la désillusion, le libertinage, le changement de sexe, les voyages, la maternité, les changements politiques, climatiques, culturels. Mais jamais ne se défait de sa passion première, la lecture puis l’écriture. En trois siècles, Orlando n’aura vieilli que de 36 ans et aura peaufiné la septième édition de son poème, Le Chêne, auquel il/elle emprunte et sa longévité et sa sagesse, c’est-à-dire la faculté de traverser les expériences sans renoncer à son être intime.
Adaptation du roman de Virginia Woolf
Dans le roman de Virginia Woolf, l’auteure s’immisce dans le récit au prétexte d’une biographie, genre délicat entre tous puisque les faits, seuls indices dont dispose l’auteur, ne sauraient compléter autrement que par l’imagination la part subjective, la vie intérieure du sujet traité. L’humour, la mise à distance du personnage d’Orlando est au cœur de son écriture.
“Avec le style ramassé du biographe qui laisse au romancier le soin de déplisser minutieusement la soie des âmes, nous dirons qu’Orlando, ce gentilhomme, était touché du mal de la littérature.” Tout est dit. Quels que soient son sexe, son statut social ou l’époque qu’il traverse, Orlando ne vit que pour et par l’écriture. C’est là que se tient la vérité de son être, le fil conducteur de sa vie, le moteur de ses aventures.
Sur la scène, un film tourné, monté et projeté en temps réel
C’est là aussi que réside le dispositif dramaturgique mis en place avec une virtuosité à couper le souffle par Katie Mitchell. Surmontant le plateau où jouent les comédiens de la Schaubühne de Berlin filmés en direct, une cabine laisse voir la narratrice lisant l’adaptation du texte d’Orlando, à côté d’un écran où le film, monté au fur et à mesure, est projeté.
Deux régimes d’images s’anastomosent : des plans pré-filmés en décors naturels et ceux tournés sur le plateau. Mais là encore, l’illusion se joue de nous, quand sur l’écran se juxtaposent des fragments de corps ou d’actions, filmés en plusieurs endroits de la scène et avec des acteurs différents, pour former une seule image.
Katie Mitchell approche alors au plus près “l’art d’écrire qui pourrait être la perfection des formes imprécises”, pour reprendre un autre personnage du XVIe siècle, dans Les Livres de Jakob d’Olga Tokarczuk. A cela s’ajoute la virtuosité des comédiens, à commencer par Jenny König, qui prête à Orlando ses traits juvéniles et androgynes, sans oublier de glisser dans son regard l’ironie de Virginia Woolf.
Orlando d’après Virginia Woolf, mise en scène Katie Mitchell, en allemand surtitré en français, du 20 au 29 septembre, Odéon-Théâtre de l’Europe, Paris
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