Un voyage funéraire dans l’Atlas marocain. Un film-trip séduisant dans son ascèse méditative.
Une caravane traverse le Haut Atlas marocain. Quelques hommes escortent un vieillard, désireux de quitter le monde à l’endroit reculé où il y est venu. La mort vient trop tôt : le vieillard devient dépouille, mais le voyage continue, et se fait peu à peu autant physique qu’intérieur.
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Pour son premier long métrage de fiction, grand prix de la Semaine de la critique à Cannes, Oliver Laxe démontre un talent plastique certain, mais convoque aussi et surtout une mémoire primitive et archaïque des histoires : du roman picaresque et ses motifs archétypaux (le vagabond, la souricière…) au conte pastoral, en passant par le récit spirituel et le western.
Un objet spartiate
On ne rendrait cependant pas grâce au film en énumérant tous ces patronages sans préciser qu’il ne les restitue que comme des fantômes, des nuages qui lui flottent au-dessus et lui soufflent des humeurs sans vraiment entamer son rythme lent, son austérité. Mimosas demeure un objet assez spartiate, un film ermite plein d’imagination mais épris d’ascèse.
S’il a même été qualifié de “film mystérieux sur le mystère” (il fallait l’inventer), c’est sans doute à cause de l’étrange déroute qu’Oliver Laxe administre à sa caravane, bientôt bercée entre deux réalités : celle de la quête à dos de mule vers une terre originelle et celle d’un commentaire plus contemporain, monde parallèle incarné par d’étranges demandeurs de travail, parmi lesquels une sorte d’ange protecteur qui veillera maladroitement sur les hommes du convoi.
Effet de secret
On a beaucoup glosé sur la “splendeur de la nature” telle que Laxe la filme. Pourtant, le film se retient beaucoup sur le spectacle paysager, et il fait bien : ici, la nature est toujours quelque chose qui se cache et se détourne. Le réalisateur évite d’en montrer la beauté la plus évidente, et les plus impressionnantes visions offertes par Mimosas sont toujours celles de décors paraissant avoir été mis là pour en cacher de plus beaux.
Il y a un effet de secret, de monde caché entraperçu dans les changements de couleurs, espèces de vibrations chromatiques offertes par le format super-16 – c’est lui, plus que l’Atlas, qui donne au film son éclat.
On ne trouvera pas meilleur résumé que cet aphorisme de Cioran cité par Oliver Laxe dans le dossier de presse, qui semble en effet avoir conféré au film son attitude paradoxale, son mélange d’appétit picaresque et d’ascétisme contemplatif, de goût enfantin des histoires et de méditation suspendue : “Entre l’exigence d’être clair et la tentation d’être obscur, impossible de décider laquelle mérite le plus d’égards.” Théo Ribeton
Mimosas – La voie de l’Atlas d’Oliver Laxe (Fr., Esp., Mar., Qat., 2016, 1 h 33)
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