Dans l’Amérique rurale des années 1960, un jeune homme doit se libérer de tragédies familiales. Un mélodrame qui frôle le film l’horreur quand il use de la violence pour mieux la dénoncer.
Ça commence à la fin de la Seconde Guerre mondiale sur une île du Pacifique, et par un traumatisme épouvantable (les Japonais ont crucifié un sous-officier américain). Willard, le jeune soldat qui a achevé le sergent pour abréger ses souffrances, ne s’en remettra jamais, même s’il ne le sait pas encore.
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Il rentre au pays, soit le fin fond du fond de l’Ohio, dans une bourgade qui répond (ou répondait – apparemment, la localité est aujourd’hui répertoriée dans la liste des villes fantômes américaines…) au rude et étrange nom de Knockemstiff. C’est là qu’une série de drames va se jouer. Et que le fils de Willard, Arvin (Tom Holland), devra tenter de faire le deuil de tragédies folles, afin que le passé passe, si c’est possible, un peu.
Un film nourri de cinéma et de littérature américaine
Le Diable, tout le temps est un film nourri de cinéma, de littérature américaine. On pense à plein d’autres films, du genre Twixt de Coppola (versant Southern gothic, sans le côté fantastique), No Country for Old Men des frères Coen (sans son humour noir) ou Mud de Jeff Nichols (versant Mark Twain, sans tendresse). Le roman d’origine a été écrit par Donald Ray Pollock, un papetier de son état, comme ses ancêtres de Knockemstiff, qui a commencé à publier à l’âge de 50 ans.
Dans le film, en voix off, il joue le rôle du narrateur. Il est évident que ce conteur moderne et lyrique a subi toutes ces influences littéraires et les a digérées. Le grand truc de ce genre de films, c’est le Mal. Alors on pense aussi à des films de Paul Thomas Anderson. Sauf qu’Antonio Campos, jusqu’ici “connu” comme producteur, n’a rien d’un grand formaliste. Même s’il a des idées de mise en scène, un casting indiscutable (Tom Holland est extraordinaire), il ne cherche jamais à en mettre plein la vue. Et c’est peut-être là qu’il frappe le plus fort.
Le Diable, tout le temps est à la fois un thriller horrifique (sacrifices absurdes, cancers, vengeance, corruption, meurtres sadiques en série, etc.) et un mélodrame (les malheurs s’accumulent). Il n’y aura pas de rédemption. La fin du film suggère que tout peut recommencer si Arvin décide de partir faire la guerre au Vietnam et de relancer la malédiction familiale.
Pattinson, dans le rôle d’un révérend pédophile, imite Donald Trump à la perfection
Au fond, tout ne se résout que par la violence, et l’on pourrait reprocher au film de prôner la vengeance personnelle s’il n’était évident qu’il la dénonce et la déplore (Pollock déteste Trump). Le monde est violent, l’Amérique est violente, la religion ne sème que violence, désordre, souffrance et mort.
C’est en voyant Robert Pattinson prêcher devant ses fidèles que l’on comprend que Le Diable est peut-être un film plus politique qu’il n’y paraît : Pattinson, dans le rôle d’un révérend pédophile, imite Donald Trump à la perfection… Ce que dit Le Diable, tout le temps, c’est que si les rednecks ne changent rien, leurs enfants perpétueront à jamais les mêmes crimes ritualisés, archaïques et médiévaux.
Un grand film sans grande forme apparente – la nature, grand fondement de la culture (littérature, peinture, cinéma, etc.) américaine, y est filmée comme vaine, vide, dérisoire. Quand les personnages regardent le ciel avant de mourir, entre la cime des arbres, ils n’y voient rien. Parce qu’il n’y a rien.
Le Diable, tout le temps d’Antonio Campos, avec Robert Pattinson, Tom Holland, Mia Wasikowska (E.-U., 2020, 2h18). Sur Netflix
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