La construction, par le gouvernement nationaliste hindou, d’une statue monumentale à l’effigie d’une figure de l’indépendance de l’Inde est le sujet d’une vive polémique à l’approche des élections législatives.
Le Premier ministre indien Naredra Modi et son parti, le PJP (le parti du peuple indien), mènent une campagne d’appropriation de grandes figures de l’histoire via le lancement de chantiers monumentaux. Vallabhabhai Patel, premier vice-Premier ministre, puis ministre de l’intérieur de l’Inde indépendante, a vu, mercredi 31 octobre, la plus grande statue du monde être inaugurée en son honneur : 33 mois de travaux, 380 millions d’euros, 182 mètres (deux fois la statue de la Liberté), 15 000 visiteurs quotidiens prévus. Mais, dans un contexte hautement politique, ce monument fait polémique.
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Une polémique sur la récupération politique
Cette polémique découle du coût du projet, de son impact sur l’environnement et l’économie des populations locales qui s’en trouvent considérablement bouleversés et la récupération politique de cette figure. Naredra Modi, initiateur de cette entreprise, a voulu établir publiquement un lien symbolique entre lui et Vallabhabhai Patel – appelé plus communément Sardar Patel – entre son parti et ceux qui ont fait l’indépendance du pays. La statue a été dressée dans l’état du Gujarat, d’où les deux hommes sont originaires ; sa taille, 182 mètres, reflète le nombre de députés de l’assemblée législative de l’état.
Cette statue, le gouvernement nationaliste hindou au pouvoir a voulu la surnommer la « statue de l’unité« . Sardar Patel était, au sein du Parti du Congrès – actuellement le parti majeur de l’opposition – un bras droit de Mohandas Ghandi, avec Jawaharlal Nehru. Ce dernier, premier chef de gouvernement de l’Inde indépendante, incarnait la gauche du parti, Patel, « l’homme de fer« , la droite. Dans les premières années de la République indienne, il a su faire adhérer au nouvel État les 552 états princiers qui composaient alors l’Inde.
Une affaire de mémoire
Alors que les nationalistes hindous, dont une mouvance est responsable de l’assassinat de Gandhi, ont joué un faible rôle dans l’indépendance contre la puissance coloniale britannique, le BJP, qui est leur héritier politique en même temps que l’un des deux grands partis du pays, utilise la figure de Sardar Patel pour se légitimer. La mémoire de Sardar Patel a progressivement été effacée au profit de Nehru, le symbole dont se réclame le Parti du Congrès.
La démarche du gouvernement, aux visées clairement électoralistes alors que les élections législatives se tiendront en 2019, s’inscrit dans la compétition avec son grand rival, le Parti du Congrès. Le BJP vise un électorat modéré qui, pouvant hésiter face à l’alternative, pourrait choisir un parti nationaliste ayant récupéré l’héritage de la lutte de l’indépendance.
Naredra Modi n’en reste pas là. En 2021, au coeur de la baie de Bombay, sera érigée une statue de plus de 210 mètres, à l’effigie du chef de guerre hindou Chhatrapati Shivaji. Il s’était opposé, au 17e siècle, à l’Empire musulman Moghols qui dominait les principautés indiennes. À ce titre, il trouve sa place dans la mythologie nationale que développe le gouvernement actuel.
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