De sa voix charbonneuse, Marianne Faithfull chante la solitude et la perte dans un nouvel album introspectif, embelli par des collabs de choc. Rencontre à domicile.
“Viens t’asseoir près de moi, darling.” L’accueil courtois que nous réserve Marianne Faithfull dans son appartement parisien tranche avec sa réputation d’icône destroy du rock anglais. Sa voix à épines de chardon se fait caressante, presque vulnérable. L’instant d’après, elle prouve qu’elle est toujours capable d’envolées tonitruantes quand elle réclame une nouvelle infusion à son assistante.
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Ce timbre si particulier a inspiré plus d’un artiste par le passé, des Rolling Stones à PJ Harvey, en passant par Damon Albarn et Jarvis Cocker. Pour Negative Capability, son vingt-et-unième album studio, elle s’est entourée de l’élite du rock moderne : Nick Cave, Warren Ellis, Ed Harcourt ou encore Mark Lanegan font partie du casting de luxe de ce projet. “Je me suis chargée des textes et ce sont eux qui ont composé toute la musique”, précise-t-elle humblement.
En toute intimité
A 71 ans, l’égérie du Swinging London a survécu aux excès les plus destructeurs, mais des problèmes de santé continuent de contrarier aujourd’hui son quotidien. Les photos du livret ont été prises chez elle et montrent les objets qui l’entourent : un portrait de William S. Burroughs, un petit mot de Keith Richards, des œuvres d’art, des fleurs et des piles de livres.
“Montrer mon intérieur et mes affaires est très révélateur. Je sais que certains artistes n’aiment pas faire ça – j’ai été comme ça moi aussi, mais j’ai envie aujourd’hui de laisser entrer les gens. Bien évidemment, je ne sais pas pourquoi”, sourit-elle. Elle poursuit : “Ça colle bien avec l’esprit de ces chansons, qui sont dans l’ouverture, dans l’honnêteté. Au début, c’était difficile d’écrire ces paroles, mais une fois que j’ai pris cette décision d’ouvrir mon cœur, j’ai continué sur cette lancée.”
Hommages et réinterprétations intemporelles
Sur ces dix morceaux d’une beauté crépusculaire (dont le sommet absolu est The Gypsy Faerie Queen, signé Nick Cave), elle évoque les attentats du 13 novembre 2015 (sur They Come at Night) et rend hommage à des proches récemment décédés (Don’t Go s’adresse à Martin Stone et Born to Live à Anita Pallenberg). En plus de ces nouveaux titres, Marianne s’amuse à revisiter trois chansons qu’elle a déjà interprétées par le passé : It’s All Over Now, Baby Blue (de Bob Dylan), Witches Song (qui figurait sur Broken English), ainsi que la ballade éternelle As Tears Go By, dans ce qui est peut-être la plus belle version de ce tube maintes fois repris. “Avec le temps, certaines paroles prennent une nouvelle signification”, dit-elle à travers une volute de cigarette.
Elle s’excuse d’être épuisée et on s’éclipse à regret. Loin de se cantonner à un simple rôle de muse, lady Marianne est depuis longtemps une artiste à part entière, dont l’influence continue de ricocher au fil des générations.
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