(LA)HORDE, collectif à la créativité polymorphe, propose avec “Marry Me in Bassiani” une performance scénique où s’entremêlent danses traditionnelles et techno contestataire géorgiennes. Radical et inattendu.
Le collectif (LA)HORDE voudrait parler d’une seule voix. Mais ce jour-là à Kampnagel, vaste lieu culturel de Hambourg, la réalité les rattrape. Des trois protagonistes, manque à l’appel Jonathan Debrouwer. La veille, en pleine première mondiale de Marry Me in Bassiani, une interprète s’est blessée. Branle-bas de combat pour la remplacer si besoin – quarante dates sont au compteur cet automne. Marine Brutti et Arthur Harel seront donc les porte-parole du collectif. Ils tirent leur force de cette entente.
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Nouveau cap
Tout est allé vite pour eux depuis 2013. Des invitations à la Nuit blanche, des soutiens comme le Théâtre de la Ville à Paris ou la Biennale de danse de Lyon, une reconnaissance internationale renforcée par leur collaboration sur la dernière tournée de Chris. 2019 aura marqué un nouveau cap avec leur nomination à la tête du Ballet national de Marseille.
“On est assez joueurs. Le temps parlera à notre place. On a choisi ce métier pour être libres, lâche la paire. On a envie d’interroger les systèmes. Par exemple en se demandant si notre méthode de pensée peut s’adapter au ballet.” Dans leur discours, il est question d’empowerment. (LA)HORDE entend transmettre le “pouvoir”, notamment en invitant d’autres artistes à Marseille ou en misant sur la diversité au sein de leur troupe. Sans oublier de passer les danseurs en CDI.
Sans complexe
“Cette structure n’est pas le réceptacle de notre œuvre. L’idée est de faire œuvre autour de la structure.” Dire qu’ils sont attendus au tournant est un euphémisme. Il y a ceux qui veulent les voir réussir à revivifier ce ballet “historique” créé par Roland Petit à l’époque de Gaston Defferre. Et les autres, agacés par ce succès qui doit autant à la puissance des réseaux sociaux qu’à l’envie d’en découdre avec les pratiques nouvelles de la danse.
(LA)HORDE aborde aussi sans complexe l’appropriation culturelle. “A nos yeux, il s’agit de collaborer avec l’autre dans un dialogue permanent.” Face à la globalisation, (LA)HORDE voit la “culture comme ce qui permet de prendre le temps. Etre dans une salle, se concentrer ensemble, cela est précieux.”
Folklore et culture club
Justement, avec Marry Me in Bassiani, ils concilient ces supposés extrêmes : les danses traditionnelles géorgiennes, la culture club, le passé et le présent. Cette pièce trouve ses racines dans leur précédente création, To Da Bone, et sa déclinaison de jumpstyle. Les chorégraphes de (LA)HORDE questionnent alors les solistes embarqués dans cette aventure et découvrent que ces derniers regardent des vidéos de danse folklorique ou de mariage ! “On travaillait depuis trois ans avec ces jumpers sans jamais avoir eu cette conversation sur leurs influences.” Une fois sur place, du côté de Tbilissi, le collectif appréhende un pays avec des valeurs traditionnelles fortes, “une culture de l’accueil. Ici, tout le monde est un peu poète, sait danser et chanter.”
Violence sourde
Marry Me in Bassiani est un tourbillon de mouvements : des sauts, des rondes et des pas de deux, poignards à la main. Pour tout dire, les premières minutes du spectacle font craindre un Eurovision chorégraphique dénaturé. Une mariée tente de s’échapper sous nos yeux, faisant alors basculer la création dans une autre dimension. Une violence sourde fracassée par des basses techno et des lumières rasantes. Marry Me… ne sait jamais sur quel pied danser, plongeant le spectateur dans un état second.
Toute sa force est dans cet entre-deux. “Les règles qui nous font tenir ? Interroger cette expérience du corps. Nous avons trouvé des réponses en Géorgie, où la danse est un moyen d’émancipation. Le Ballet national a en son temps été un outil de résistance.” Marry Me in Bassiani n’est pas si éloigné du ballet narratif – on pense aux Noces de Nijinski et Stravinsky.
Danser pour sa liberté
Quant au Bassiani du titre, référence au célèbre club underground de Tbilissi – il est situé sous un stade de foot –, c’est une fausse piste. “Nous avons rencontré ses fondateurs.” Mais pas question d’en faire le sujet de la chorégraphie. Lorsque, en mai 2018, le club a été fermé, une foule de 15 000 personnes improvisa une rave devant le Parlement. L’idée de danser pour défendre sa liberté aura infusé le processus de création de (LA)HORDE. “Dans notre approche, on fait tout sauf penser au public, le spectacle se construit malgré nous et avec nous.” Ce soir-là, à Hambourg, la salle fera corps avec Marry Me in Bassiani.
Marry Me in Bassiani le 28 septembre, Les Salins, Martigues ; les 2 et 3 octobre, Bonlieu, Annecy ; les 8 et 9, La Comédie de Clermont-Ferrand ; le 12, Biennale-Danse, Charleroi, Belgique ; du 16 au 19, MAC de Créteil ; les 22 et 23 novembre, La Coursive, La Rochelle ; le 28 novembre, Opéra de Dijon ; en tournée jusqu’en 2020
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