Présente au festival de Toronto, l’actrice américaine s’est attaquée à la cérémonie des Oscars, où il est impossible de “rivaliser avec certains des films défendus par les Harvey Weinstein de ce monde”.
Venue présenter Blackbird de Roger Michell au Festival international du film de Toronto (TIFF) samedi 7 septembre, Susan Sarandon s’est exprimée au sujet des Oscars, pour lesquels la ville canadienne fait régulièrement office de tremplin. La Forme de l’eau de Guillermo del Toro (2017) et Green Book de Peter Farrelly (2018) y avaient en effet été récompensés avant de se voir décerner l’Oscar du meilleur film, six mois plus tard.
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Quand la promotion d’un film prend des airs de campagne politique
Oscarisée en 1996 pour son rôle dans La Dernière marche de Tim Robbins, l’actrice a déclaré selon l’AFP : « Il n’y avait pas besoin de dépenser d’argent à l’époque où j’ai été nominée cinq fois et où j’ai gagné. Ça n’arriverait plus aujourd’hui.« Tranchante, elle fait allusion à l’influence du lobbying dans les choix de l’académie des Oscars, qui ne se contenterait pas de juger les films pour leurs qualités cinématographiques et serait guidée par des considérations d’ordre financier et économique.
Car la plus value dont bénéficient les films oscarisés – ou simplement nominés – influence à son tour le public : il y a bel et bien un « effet Oscar » qui joue sur la fréquentation des salles et donc sur les recettes des films, avec un bonus allant jusqu’à 7 millions de dollars pour une nomination dans la catégorie du meilleur film.
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Conscients de l’impact économique d’une récompense sur la carrière d’un film, les distributeurs des œuvres « oscarisables » s’engagent très tôt dans la course aux Oscars et mènent une véritable campagne politique pour en assurer la promotion, armés des talents de communication de leurs publicistes. “Vous devez avoir tellement de choses pour vous soutenir, tellement d’argent. Vous devez mener une campagne de six mois pour avoir une nomination”, a expliqué Sarandon.
Alors qu’aujourd’hui la durée d’exploitation d’un film en salles ne cesse de se réduire et que le volume des sorties augmente, la promotion est devenue une condition essentielle pour donner une visibilité aux œuvres. Les budgets promotionnels, en hausse constante, atteignent des chiffres surprenants. Une stratégie que la plateforme de streaming Netflix elle-même adopte avec vigueur : elle aurait ainsi dépensé entre 25 et 30 millions de dollars pour promouvoir Roma, quand le film n’en aurait coûté que 15 millions.
La situation précaire des actrices à Hollywood
Mais du point de vue de Susan Sarandon, la corruption qui gangrène Hollywood a pour effet notoire de priver certains acteurs et actrices d’une récompense qu’ils et elles méritent. C’est dès lors la qualité du jeu qui est remise en question : l’Oscar récompense-t-il vraiment le jeu ou plutôt la capacité de l’acteur.rice à attirer le public « consommateur »? A Toronto, Sarandon a affirmé qu’elle avait peu de chances d’obtenir une statuette pour son rôle de mère malade dans Blackbird, un film qui ne peut pas « rivaliser avec certains des films défendus par les Harvey Weinstein de ce monde ».
Ce n’est pas la première fois que l’actrice dénonce les rouages de l’industrie hollywoodienne, qui n’est qu’une « usine à gros films ». Très engagée sur le plan politique, celle qui a partagé l’affiche avec Geena Davis en 1991 dans Thelma et Louise de Ridley Scott défend la cause féministe et s’exprime régulièrement sur la situation des actrices à Hollywood.
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À l’occasion de la sortie de Ma vie avec John F. Donovan (2019) de Xavier Dolan, elle avait déclaré à Brut que « la seule chose dont Hollywood se préoccupe vraiment, c’est si vous grossissez et si vous vieillissez », rappelant que les progrès observés ces dernières années étaient le fruit d’une lutte collective et non d’une initiative des studios.
Un discours qu’elle avait aussi tenu sur le plateau de l’émission C à vous sur France 5 fin février, où elle avait taclé le système en assurant qu’« à Hollywood, les décisions sont prises en fonction des femmes avec lesquelles on veut coucher ». « On m’a toujours dit que ma carrière serait terminée à l’âge de 40 ans et que si on joue une mère, on ne sera plus jamais attirante sexuellement. » Une prédiction que l’actrice se plaît à contredire en continuant de tourner des films et en acceptant ces rôles de mère qui pourraient en effrayer d’autres.
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