Niska, IbraTV, Youssoupha, Mokobé… Après une percée dans la musique ou sur YouTube, ils se sont tous lancés dans la restauration pour élargir leur business. Une prise de risque à base de burgers, de hot-dogs ou de tacos qui semble porter ses fruits.
Deux grandes ailes noires autour d’un burger. Il faut avoir l’œil aiguisé pour reconnaître les ailes du “charo” (diminutif de “charognard”), l’expression et emblème popularisés par Niska. Nous sommes devant Burger Time, le restaurant que le rappeur vient d’ouvrir à Evry, à 25 kilomètres au sud de Paris, non loin de la cité du Champtier-du-Coq où il a grandi.
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Après le succès de la franchise de tacos de Mokobé, l’ancien rappeur du 113, et la création en début d’année d’une marque de hot-dog par Youssoupha, c’est au tour de Niska de se lancer dans le game de la restauration rapide.
Une affaire de famille
Quand le prince de l’afro trap au milliard de vues sur YouTube débarque dans l’enceinte de Burger Time ce mardi 25 septembre à 15 heures, les gens encore attablés le checkent de l’épaule et lui renvoient de larges sourires. Ici, Niska est chez lui. C’est son frère José qui tient le resto, et c’est Ahmed, l’un de leurs amis, qui est aux fourneaux.
“On a ouvert en avril mais je n’ai pas encore fait de promotion, sourit Niska. Avant d’engager mon image, je souhaitais savoir si le business model fonctionnait. Je sais que le succès musical peut être éphémère et j’avais envie d’investir et d’entreprendre dans la ville dans laquelle j’ai grandi.”
Assis à côté de lui, Papus, son manager à la barbe finement taillée, opine du chef. Pour eux, l’idée d’ouvrir ce resto est apparue comme une évidence. “C’est en train de changer mais durant longtemps, il n’y avait pas un seul resto à la ronde ici. On mangeait tout le temps dans le grec que tu peux trouver un peu plus haut. Aujourd’hui, ce sont nos concurrents”, sourit Niska.
Près de vingt-cinq burgers proposés
L’intérieur est propre et travaillé. Damier au sol, banquettes rouges et table en métal chromé, la déco vintage rappelle les fifties US et les menus portent des noms de quartiers new-yorkais (Manhattan, Queens, Bronx, Brooklyn…). “Mon préféré, c’est le Brooklyn, lâche justement Niska. Mais j’évite de le prendre car celui-là, il faut courir durant des heures pour l’éliminer.”
Près de vingt-cinq burgers sont proposés. Du classique cheeseburger à 4,20 euros au sandwich gourmet à 9 euros avec bun’s, steak du boucher, cheddar, oignon caramélisé, salade et sauce maison. “Nous sommes dans une banlieue populaire ici, développe Niska. On a donc prévu des menus pour tout le monde. Du petit qui quémande des pièces à sa maman aux mecs du quartier qui veulent se retrouver pour dîner ou déjeuner”. Le rappeur réfléchit aussi à ouvrir une agence immobilière.
“On réalise des études de marché et si l’on y croit, on investit. On ne s’interdit rien, assure Niska. Le seul préalable, c’est que je puisse avoir une confiance totale en mon associé.”
“Avec ce resto, je sais que je peux être à l’autre bout du monde en tournée et être serein. Personne ne va s’intoxiquer car la qualité est au rendez-vous. Pour l’instant, c’est un resto local mais si ça marche, pourquoi ne pas conquérir d’autres villes”.
Charo et autres stars du rap game ne sont pas les seuls à investir leur image dans la restauration rapide. Les héros de YouTube s’y mettent aussi. “Il est là Ibra ?!” Réunis autour de burgers au pain noir à base de charbon végétal actif, qui font la particularité du restaurant Black & White Burger, un groupe d’ados s’interroge, entre deux selfies envoyés sur Snapchat.
Certes, les hamburgers qu’ils ingurgitent ne sont pas mauvais, et les frites fraîches qui les accompagnent semblent les ravir. Mais s’ils pouvaient en plus croiser la star du web à l’origine de ce projet culinaire, ils ne cracheraient pas dessus. “Ibra”, c’est Ibrahim, 26 ans, qui anime avec son cousin Djam, 22 ans, la chaîne YouTube IbraTV, aux plus de trois millions d’abonnés.
A base de charbon végétal
Ils se sont fait connaître depuis quelques années par leurs fameuses “expériences sociales”, parfois volontairement hardcore, consistant à piéger des voleurs ou des pédophiles en caméra cachée, ou à tester les réactions des gens face à des comportements scandaleux.
Plus récemment, les deux cousins originaires de la république d’Ingouchie, située au sud-ouest de la Russie, se sont lancés dans l’organisation de “combats de rue avec règles MMA” (“Mixed Martial Arts”, une pratique non autorisée en France).
Une activité qu’ils mènent en parallèle de leur incursion dans la restauration : le Black & White Burger, situé à deux pas de la fontaine des Innocents, dans le Ier arrondissement de Paris, et inspiré du Black Star Burger ouvert à Moscou par le rappeur russe Timati, a été inauguré le 13 janvier dernier. Ce jour-là, deux mille personnes étaient au rendez-vous. Mais cet effet loupe peut-il tenir sur la durée ?
Accoudé à l’une de ses tables hautes, Djam se veut rassurant et pro. Selon lui, les cuisines sont gérées dans les règles de l’art, comme les combats : “Les gens ne le voient pas, mais il y a toujours un médecin et un juriste sur place, on prend toutes nos précautions. On ne fait pas des combats en cage avec des tickets, ce sont des combats amicaux en fait. Chaque combattant signe un papier. On ne veut pas avoir de problèmes.”
Burgers d’influenceurs
Il ne faudrait pas que la réputation sulfureuse d’IbraTV donne des crampes d’estomac aux clients de son restaurant. D’ailleurs, rien n’indique dans la décoration du lieu – qui reprend l’esthétique des diners américains – son origine youtubesque. Celle-ci a pourtant bien compté.
“Le premier mois, 90 % des clients venaient pour voir Ibra, alors que maintenant il peut venir s’asseoir à une table, personne ne va le déranger, j’ai fait le test. Ce qui veut dire que les gens reviennent pour manger, ils ne viennent pas pour lui !”, assure le jeune licencié en informatique, qui espère intégrer une école de commerce pour faire un master.
Fier de ses “cinq cents à mille burgers” vendus par jour en moyenne, Djam, qui salue ses employés comme un chef d’entreprise aguerri, explique avoir voulu diversifier les activités d’IbraTV dès son commencement, par nécessité économique.
“On ne voulait pas forcément créer un resto, mais quelque chose, peut-être une marque, pour avoir un écosystème avec la chaîne YouTube. A l’époque, aucun youtubeur n’avait encore fait ça. Or notre chaîne génère des clients directs : pourquoi ne pas se servir des followers qu’on a ?”
De fait, le petit business d’IbraTV est une hydre à au moins trois têtes. A l’intérieur du restaurant, des écrans font de la pub à Unik, la marque de vêtements qu’ils ont lancée. Pour le reste, toute leur stratégie repose sur les réseaux sociaux – Instagram notamment – et les influenceurs. Ces derniers sont ainsi invités à créer leur propre burger au Black & White, qui restera affiché au menu pendant un mois.
Mais la visibilité sur internet a aussi ses effets pervers. Un mois après l’ouverture, la chaîne YouTube Crazy TV a publié une vidéo intitulée : “Rester enfermé dans le resto d’IbraTV”. Filmée le jour de l’inauguration du resto, elle prétend montrer la piètre qualité des produits et des conditions d’hygiène, et a cumulé en quelques jours des centaines de milliers de vues.
IbraTV a porté plainte pour diffamation. “Je pense que ce sont plutôt des concurrents dans le milieu de la restauration que des ennemis d’IbraTV, avance Djam. Certains veulent juste faire du buzz en mettant ‘IbraTV’ dans leurs titres.” Dans cet écosystème chancelant, la shitstorm n’est jamais bien loin.
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