Quels sont les films à aller voir, les séries à regarder, ou pas, ce week-end ? Pour en avoir un indice, voici l’avis de nos critiques.
Films
River of Grass de Kelly Reichardt
Avec Lisa Bowman, Larry Fessenden, Dick Russell
“un road movie sans route, une histoire d’amour sans amour, une aventure criminelle sans crime”. C’est exactement cela. Dans River of Grass, premier long-métrage de la grande Kelly Reichardt qui sort enfin en France, l’héroïne est une antihéroïne, le prince charmant est apathique et édenté, les vieux flics n’ont plus trop d’émotions sauf quand ils jouent de la batterie, se teignent les cheveux, perdent leur arme de service… C’est Bonnie and Clyde version losers, une cavale absurde puisque sans utilité, aussi drôle que déprimante, en tout cas dépressive.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Jean-Baptiste Morain.
Liberté d’Albert Serra
Avec Helmut Berger, Marc Susini
Lors d’une nuit infinie et sous les frondaisons d’une futaie où sont disséminées des chaises à porteurs, Comte, Madame de et Duc se livrent à l’éventail des pratiques sexuelles. Pourtant, la quête du film n’est pas la jouissance de ses membres, de ses acteurs, en partie amateurs, ou du spectateur. Ou plutôt, dans une perspective sadienne, si d’extase il est question dans Liberté, elle est liée à une pulsion de mort. De cette obscurité, relevée d’éclairages somptueux, naît le sortilège d’un film hypnotique, où l’on ne sait plus vraiment ce que l’on a vu ou imaginé. Liberté est un film qui se rêve et s’écoute.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Bruno Deruisseau.
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Apollo 11 de Todd Douglas Miller
C’est la révélation d’un stock de rushes 70 mm qui motive ce nouveau film d’archives superbement épuré, sans commentaire audio ni interview dans le salon de cosmonautes octogénaires. Comme les ethnographes du début du XXe ramenaient d’Afrique profonde ou d’Amazonie des films d’une grâce sans pareille, les hommes de la Nasa savent qu’ils ont entre leurs mains un moment de cinéma. La preuve qui en est refaite aujourd’hui a un petit côté « rendre à César » : les fondamentaux d’une SF 2010’s revenue à la matière, vibrionnante, graineuse, d’Interstellar à First Man (forcément), ne viennent pas de nulle part.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Théo Ribeton.
Fourmi de Julien Rappeneau
Avec François Damiens, Lætitia Dosch, Maleaume Paquin, André Dussollier, Ludivine Sagnier
https://www.youtube.com/watch?v=NC0qH2RZCoM
C’est le type même de l’histoire-festival de clichés qui semble avoir été produite par un générateur de pitchs : Théo, un pré-ado, est la vedette d’un petit club de foot entraîné par André Dussollier (#générationguyroux). Laurent, son père (François Damiens), au chômage (le côté social du film), divorcé, alcoolique mais au grand cœur, intervient de manière intempestive pendant les matchs de Théo. Fourmi est un feel-good movie plein des meilleurs sentiments possible. Tout est bien qui finira chaleureusement bien. D’idée de cinéma ? Aucune.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Jean-Baptiste Morain.
Fête de famille de Cédric Kahn
Avec lui-même, Catherine Deneuve, Vincent Macaigne, Emmanuelle Bercot
Voici Cédric Kahn derrière et devant la caméra dans la peau de Vincent, enfant d’une fratrie agitée, emprisonnée le temps d’un week-end dans la demeure familiale. Avec un titre pareil, Fête de famille s’annonce comme un règlement de comptes bordélique. Kahn semble se rêver comme le chef d’orchestre omnipotent de son propre film mais, incapable de prendre la main sur ses comédiens en roue libre, il gesticule davantage qu’il ne mène une troupe visiblement bien en mal de comprendre tout l’enjeu de ce chahut absurde.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Marilou Duponchel.
Viendra le feu d’Oliver Laxe
Avec Amador Arias, Benedicta Sánchez, Inazio Abrao
https://www.youtube.com/watch?v=4-HLfnoNpro
Après l’Atlas marocain, c’est en Galice, dans le village de ses parents et grands-parents, que le cinéaste franco-espagnol imagine le retour d’Amador, vagabond taiseux au passé trouble (on le dit pyromane, mais l’est-il vraiment ?). Dans ce conte mystique et champêtre, doux et enfiévré, soumission et résistance sont intimement liées. Laxe met en scène dans sa plus exacte et sensible vérité aussi bien les restes fragiles d’un monde familier prêt à disparaître (et plus largement une façon de vivre, d’être) que l’aveu de fabrication d’un jeune cinéaste ascétique.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Marilou Duponchel.
Le Mariage de Verida de Michela Occhipinti
Avec Verida Beitta Ahmed Deiche, Amal Saad Bouh Oumar
Symbole d’opulence et de bien-être, la rondeur du corps est un canon de beauté féminine en Mauritanie. A quelques mois de son mariage et afin de satisfaire son futur mari, la jeune Verida n’échappe pas à la tradition et est soumise à un strict gavage alimentaire. Michela Occhipinti, dont c’est ici la première œuvre de fiction, filme la dépossession d’un corps puis son empoisonnement sans aucun didactisme ni dolorisme. La forme est ici d’une élégante sobriété, le regard, tout en pudeur, à juste distance, et parvient à traduire la complexe intériorité de son héroïne malgré une grande économie de gestes et de paroles.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Ludovic Béot.
Les Hirondelles de Kaboul de Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec
Avec Zita Hanrot, Hiam Abbas, Swann Arlaud, Simon Abkarian
Adaptation d’un roman de Yasmina Khadra, Les Hirondelles de Kaboul se situe dans les années 1990 et relate les destins croisés de deux couples que les nouvelles règles instaurées par les ultrareligieux vont faire voler en éclats. L’un est jeune et aspire à une vie d’artiste ; l’autre doit faire face à la maladie. Impressionniste tout en étant frontal dans la violence évoquée, le film fait en outre preuve d’inventivité en donnant à ses héros animés le visage des comédiens qui leur prêtent leur voix. Montant d’un cran en réalisme, sans perdre sur le plan de la fable morale, le film parvient alors à réconcilier deux élans – le principe de réalité et l’espoir – pour arriver à une œuvre hybride, fiévreuse et originale.
Retrouvez l’intégralité de la critique d’Emily Barnett.
Détour d’Edgar G. Ulmer
Avec Tom Neal, Ann Savage
https://www.youtube.com/watch?v=g1KhnbQ05h8
Si l’expression de « maître de la série B » semble un peu rebattue, Ulmer (Le Chat noir, Le Bandit) mérite qu’on use encore une fois du terme, tant il l’incarne. Détour, véritable bijou du film noir, dure 1h07, juste ce qu’il faut pour qu’on soit prémunis des transitions, des dialogues explicatifs, de tout ce qu’on ne veut pas se voir répéter devant un film noir. Tout ce qu’on souhaite, c’est qu’un cinéaste stylise et éclaire d’une manière intime une succession de motifs, objets et décors inamovibles, tous recouverts de cette exquise poussière morale.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Murielle Joudet.
Séries
David Makes Man sur la chaîne YouTube de OWN
https://www.youtube.com/watch?time_continue=17&v=Q7vBym8dlgQ
C’est l’histoire d’un jeune homme noir de 14 ans que l’adolescence et le danger guettent. C’est un héros qu’on n’oublie pas, dans un monde pourtant saturé de séries. Dans les environs de Miami, ce fils d’une ancienne junkie s’occupe de son demi-frère et tente d’avancer dans une existence scindée, voire déchirée en plusieurs morceaux. Diffusée par OWN, la chaîne câblée américaine créée par Oprah Winfrey, produite par Michael B. Jordan (Friday Night Lights, Black Panther), David Makes Man reprend les codes du conte initiatique pour en montrer à la fois la force et les limites à exploser. L’une des séries les plus originales de l’année.
Retrouvez l’intégralité de la critique d’Olivier Joyard.
Missions Saison 2, à partir du 5 septembre sur OCS Max
La référence à peine dissimulée au « We have to go back » de Lost aurait dû nous mettre la puce à l’oreille : Missions a largué ses amarres réalistes pour explorer des territoires à la frontière du réel et de l’imaginaire. Desservie par des dialogues artificiels et une interprétation inégale, cette saison ne parvient pas toujours à agréger ses références en un édifice cohérent. Sa gourmandise réjouissante et son goût du risque nous font pourtant oublier ces maladresses et apprécier sans trop d’arrière-pensées ce nouveau rendez-vous martien.
Retrouvez l’intégralité de la critique d’Alexandre Büyükodabas.
Dark Crystal : le temps de la résistance, sur Netflix
Si l’on avait retenu du film de Jim Henson et Frank Oz l’émerveillement lié à sa technique atypique, un nouveau visionnage laisse émerger des émotions ambivalentes. Constamment mis à nu mais traités avec le plus grand sérieux, les artifices de production nous plongent dans une vallée de l’étrange dont les personnages révèlent un envers angoissant. C’est ce trouble qu’échoue à retranscrire L’Age de la résistance, la série préquelle dans laquelle les Gelflings décident de se rebeller contre les Skeksès, leurs maîtres.
Retrouvez l’intégralité de la critique d’Alexandre Büyükodabas.
13 Reasons Why, saison 3, de Brian Yorkey, avec Dylan Minnette, Alisha Boe, Gace Saif, sur Netflix
L’arc narratif autour d’Hannah étant bouclé, c’est dépouillé de son concept initial que 13 Reasons Why revient pour un troisième round, avec au cœur de son intrigue une nouvelle tragédie : la disparition nébuleuse de Bryce Walker, infâme bourreau d’Hannah et principal responsable de son suicide. La disparition de Bryce et son élucidation chaotique apparaissent un peu artificielles et font surtout figure de prétexte pour offrir du rab aux spectateurs. Victime de son procédé, la série s’attache moins à radiographier les états d’âme de ses lycéens désenchantés qu’à dérouler son intrigue policière convenue, avec ses fausses pistes successives et ses twists.