Regard très stylisé sur un hôpital psychiatrique de Dakar.
Documentaire sur l’hôpital de Thiaroye près de Dakar. Très beau formellement, presque trop. Sans le dossier de presse, on peinerait à en déchiffrer certains éléments. Dans le film, rien n’explique que certains personnages sont des artistes et intellectuels célèbres du Sénégal, qui ne sont pas des patients de l’établissement, mais y ont fait un passage, comme la cinéaste-écrivain Khady Sylla (décédée depuis), le poète Thierno Seydou Sall, ou l’extravagant plasticien Joe Ouakam – vieillard élégant aux tenues soigneusement élaborées.
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Dans le flux du récit, ces membres de l’élite artistique sénégalaise ne sont pas clairement dissociés des pensionnaires de l’hôpital. Si on ne les connaît pas, on passe à côté, et on peut être surpris de voir une patiente citer Michel Foucault. Sachant que c’est la lettrée Khady Sylla, cela devient plus clair.
Cela dit, les pensionnaires lambda ne sont pas tous délirants comme on pourrait l’imaginer. Plusieurs d’entre eux ont même un discours structuré, voire rationnel, y compris l’un d’eux qui décrit froidement comment il a tué sa mère.
Recherche esthétique
La grande affaire du film, c’est le débat entre la médecine à l’occidentale reposant sur une panoplie de médicaments (la célèbre camisole chimique) et des rituels traditionnels plus efficaces sur certains patients. Ce que ne récusent pas des psychiatres de Thiaroye formés à l’occidentale.
Evidemment, ceci, comme les interventions sporadiques des artistes et intellectuels susnommés, reste aléatoire. Le film n’a pas une volonté spécialement pédagogique, sociale, ni même ethnologique, bien que le cinéaste se réclame de Jean Rouch et de ses Maîtres fous.
Mais il y avait dans ce film de Rouch (et d’autres) un travail analytique absent ici, puisque ce documentaire se situe plus du côté des arts plastiques – c’est à dire où le geste et la forme priment.
Jeu omniprésent et impressionnant avec la blancheur des murs, cadrages graphiques, montage non signifiant. Cette recherche esthétique, quoique convaincante, décolle le film du réel et peut laisser le spectateur frustré. Car si les grandes questions sur “la folie” sont posées, la trivialité du quotidien est totalement évacuée. On reste extérieur au processus de bout en bout.
Ce qu’il reste de la folie de Joris Lachaise (Fr., 2014, 1 h 33)
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