« Voir des gens danser sur ma musique, ça me rend heureux. » Machine à tubes depuis les seventies, Nile Rodgers sort un nouvel album de Chic et remet le feu au dance-floor.
En chemin vers la salle où doit se dérouler l’interview, on croise Nile Rodgers au rez-de-chaussée de sa maison de disques et on monte ensemble dans un ascenseur qui s’empresse de tomber en panne entre deux étages. Rayonnant du haut de ses 66 ans, le leader de Chic détend l’atmosphère avec un sourire imperturbable et commence une conversation qui se poursuit sur un canapé dès qu’on retrouve la liberté : “Je n’oublierai jamais le moment où j’ai réussi à jouer ma première chanson en entier à la guitare. C’était A Day in the Life des Beatles, le groupe le plus important de la pop music occidentale. Aujourd’hui, je me retrouve directeur artistique d’Abbey Road Studios et Paul McCartney est devenu un copain. Ce monde est dingue !”
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Des collaborations XXL
La liste des artistes avec qui ce New-Yorkais a collaboré donne le tournis : de Diana Ross à Mick Jagger, de Madonna aux B-52’s en passant par Bryan Ferry, David Bowie ou encore Daft Punk (il a coécrit trois morceaux de leur dernier album, dont Get Lucky), Nile Rodgers a participé à des chapitres majeurs de l’histoire de la musique. “Quand je compose une chanson, j’espère qu’elle aura du succès mais ça ne dépend pas de moi. Ce qui marche toujours, c’est la répétition – certains airs qu’on a entendus enfant sont imprimés dans nos cerveaux à jamais. Je peux, par exemple, te chanter Chevaliers de la table ronde alors que je l’ai apprise quand j’avais 5 ans.” Il s’exécute et on se charge des chœurs.
Puis, il poursuit sa démonstration : “Le Freak a été le plus grand succès d’Atlantic Records à l’époque, mais quand je leur ai fait écouter la première fois, la salle s’est vidée et on m’a dit que c’était la pire chanson du monde. Aujourd’hui, je peux aller n’importe où dans le monde et si je me mets à crier : ‘One, two, ah…’ Tout le monde répondra : ‘Freak out’ !”
Un second disque en février 2019
It’s about Time, nouvel album signé Nile Rodgers & Chic, débarque vingt-six ans après le précédent et renvoie autant au passé – la pochette rend clairement hommage à la photo de leur tout premier album, Chic, sorti en 1977 – qu’au futur – aujourd’hui, les guests ont pour nom Mura Masa, Craig David, Stefflon Don, Elton John, Emeli Sandé, Lady Gaga… C’est le premier volet d’un diptyque qui se conclura en février 2019 avec la sortie d’un nouvel album, en préparation. “J’ai eu envie de faire un nouveau disque il y a environ quatre ans. Jouer et enregistrer sont deux expériences différentes. Un album, c’est comme prendre une photo à un moment précis et j’ai eu envie de faire ça à nouveau. Je crois que c’est lié aux deux cancers que j’ai eus. J’ai repensé à mon père, qui était un grand musicien mais qui n’a jamais eu l’occasion d’être enregistré. Je me suis dit que quand je mourrai j’aimerais être sur un maximum de disques. On m’a dit l’autre jour que j’étais présent sur plus de 1 500 enregistrements !”
Tenter de produire une musique qui rassemble
Sobre depuis plus de vingt ans, Nile Rodgers dévoile son état d’esprit dans les paroles de It’s about Time, en particulier ce passage : “Now the coast is clear/We have no fear/We’re the survivors” (“Maintenant la voie est libre/Nous n’avons pas peur/Nous sommes les survivants). “Je crois que ceux qui aiment la musique pour danser sont des gens à part. Pour eux, la musique est plus importante que la politique, la mode ou l’orientation sexuelle. Le corps réagit au groove. Voilà le monde auquel je veux appartenir. Ce matin, j’ai vu une phrase sur mon passeport qui dit quelque chose comme ‘nous aimons le peuple’. J’ai halluciné. C’est ce que l’Amérique était avant de devenir folle, et c’est ce qui me pousse à essayer de faire une musique qui rassemble. Le disco faisait ça à merveille. Voir des gens danser sur ma musique, ça me rend heureux.”
Des mélodies scintillantes au groove irrésistible
Avant de le quitter, on lui demande quels ont été les moments les plus gratifiants de sa carrière. “Il y en a eu énormément, mais j’en choisirais deux : le jour où, avec Chic, nous avons signé notre premier contrat avec un label, ce qui a donné notre premier single, Dance, Dance, Dance. Et le jour où j’ai rencontré David Bowie. Ces deux moments sont pareils pour moi – des commencements. C’est justement ma démarche actuelle. J’essaie de prendre un nouveau départ, même àmon âge.” Accompagné de sa Stratocaster, qu’il surnomme “hitmaker”, Nile Rodgers reprend du service pour composer des mélodies scintillantes, au groove irrésistible.
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