A l’occasion du 160e anniversaire des relations diplomatiques entre le Japon et la France, le design, la gastronomie et la mode déploient à Paris un art de vivre hybride et harmonieux.
Sur la table, des fleurs des champs. Dans les verres, des cocktails au saké. Dans les assiettes, des gyozas ricotta-épinard, du ketchup de betterave ou encore des œufs “mimozabi”, ou mimoza-wasabi, à consommer en format tapas.
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Nous sommes chez Takaramono, un restaurant nippo-camarguais dans le quartier parisien de Strasbourg-Saint-Denis, fraîchement inauguré par le chef Alexandre Arnal. Agé d’à peine 30 ans, ce dernier repense la culture culinaire urbaine en croisant formats, ingrédients et rituels du Japon, où il voyage régulièrement, et de la région méditerranéenne, dont il est originaire.
L’image d’un « Paris qui regarde vers l’extérieur »
Plus qu’une fusion, ce lieu convivial propose un imaginaire décloisonnant, qui défait les attentes d’un côté comme de l’autre. “Je voulais repenser la gastronomie traditionnelle japonaise pour les besoins d’un consommateur parisien, apporter des gestes simples mais d’une précision extrême, un ralentissement, un respect de chaque bouchée”, dit-il.
Il y développe une pensée globale, moderne et informelle autour de la nourriture et de la rencontre : on réserve par texto, on tente sa chance si on n’a pas de table, on s’installe au bar, on reste boire des verres jusqu’à 2 heures du matin.
Entre deux plats, le chef sort discuter avec les clients – qui comptent parmi les fidèles André Saraiva, plus connu sous son nom d’artiste graffiti Mr A (et dont les œuvres ornent la devanture). Ce dernier salue l’ambiance ainsi qu’“un Paris qui regarde vers l’extérieur, et qui apprécie enfin vraiment la richesse des croisements culturels”.
De la Philharmonie au Quai Branly en passant par le Centre Pompidou
Ce qui est tout particulièrement vrai et foisonnant cette année. A l’occasion du 160e anniversaire des relations diplomatiques entre la France et le Japon, toutes les sphères créatives de la capitale s’en donnent à cœur joie. Dans l’art et la culture, d’abord. La Philharmonie accueille des spectacles traditionnels de bunraku, de nô, de kyogen ou de taiko, mais aussi des compositeurs et performeurs expérimentaux.
Au Palais de Tokyo, l’exposition collective Enfance alignait marionnettes, dessins naïfs, souvenirs oniriques et kawaii. Au musée du quai Branly, l’exposition Enfers et Fantômes d’Asie confrontait deux pans de l’histoire japonaise, celui du kabuki et celui des mangas, celui de la culture pop et celui des mythes anciens.
Quant au Centre Pompidou, après Ryoji Ikeda, récemment invité à présenter ses œuvres sonores, c’est au tour de l’architecte Tadao Ando d’y dévoiler une vaste rétrospective. Sa vision réconcilie organique et urbain, histoire et futur, éléments naturels et béton. Ses projets concernent aussi bien des églises à Osaka que la Bourse de Commerce, qui ouvrira à Paris à l’été 2019.
Un art de vivre englobant
Un point commun entre tous ces projets transdiscipliniares ? Chaque acteur refuse une vision cliché, trop souvent limitée à un Tokyo hypermoderne, et se plonge dans des savoir-faire régionaux repensés, qu’il fait dialoguer avec des codes mondiaux.Ce qui est également vrai pour la mode, dans la tradition d’une longue amitié stylistique entre les deux pays.
Dès les années 1970 et 80, Kenzo, Comme des Garçons, Issey Miyake ou encore Yohji Yamamoto s’implantent à Paris et lient les deux cultures grâce à des vestiaires intemporels et modulables. Aujourd’hui, on remarque une vision dite “glocale”, à la fois locale et globale, sans frontières mais ancrée dans des besoins actuels et respectueuse des foklores.
En tête de file, on peut penser à Sacai, label créé par Chitose Abe, passée par Comme des Garçons, qui crée des “mash-up”, ou hybrides, entre deux champs de références : un tissage ancien chahute un perfecto, un bomber mute en robe traditionnelle.
Un sens du partage entre les histoires
Kitsuné, lancée par le duo Gildas Loaëc et Masaya Kuroki, imagine des vêtements débordant de clins d’œil aux deux pays, mais aussi des compilations, des cafés et, cette saison, une ligne sans genre, Acide, ainsi que des bijoux unisexes en collaboration avec le label Le Gramme – une preuve de souplesse entre lifestyle, culture et identité.
“Un autre raffinement, un autre sens de la qualité” : voila ce que promeut Maud Pouzin, cofondatrice du concept store vegan Manifeste011, qui propose le travail green de signatures de l’avant-garde comme Seal – griffe de sacs fabriqués à partir de roues de camion recyclées –, Façon Jacmin, spécialisée dans le denim japonais, ou encore Ohayo et ses pièces à base de toile de coton traditionnel confectionné dans des manufactures historiques.
Le résultat ? “Un imaginaire, un savoir-faire conservé et repensé”, dit-elle. Et surtout, un sens du partage entre les histoires, les générations et les continents dénué de tout exotisme, vers un langage design métissé et respectueux.
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