La romancière fait revenir la narratrice de son roman précédent dans son bourg natal, pour y retrouver ses personnages secondaires vieillis et désabusés.
Ce n’est pas une suite, c’est mieux. Elizabeth Strout a déplié son roman précédent pour nous montrer ce qu’il cachait. Dans Je m’appelle Lucy Barton (Fayard, 2017), une écrivaine new-yorkaise parlait de son enfance pauvre à Amgash, petite ville de l’Illinois typique de l’Amérique rurale. Dans sa mémoire surgissaient des gens qui l’entouraient alors : son frère et sa sœur, ses camarades d’école, des voisins. Avec ce nouveau livre, on les retrouve de nos jours, vieillis. Et Strout, discrètement, pousse la porte de leurs maisons.
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C’est en écrivant Lucy Barton que la romancière, Prix Pulitzer 2009 pour Olive Kitteridge, s’est mise à élaborer sur un coin de son bureau les destins de ceux qui étaient à l’époque des personnages secondaires. Chaque chapitre de ce nouveau livre raconte leur vie comme autant de nouvelles reliées par des souvenirs d’enfance. Certains habitent toujours à Amgash, d’autres en sont partis, mais tous ont en partage un passé, un lieu, et nul n’est besoin d’avoir lu Lucy Barton pour s’y intéresser.
Des gens qui font ce qu’ils peuvent
Strout sait dépeindre une communauté humaine où secrets et rancœurs se sont accumulés sur fond de non-dits. Car la honte liée à la misère ambiante et aux violences familiales habite ses personnages. De suggestions en ellipses, la romancière respecte les silences et invite à deviner les souffrances tues.
Et voilà que Pete Barton, le frère vieux garçon qui vit toujours dans la maison de ses parents décédés, apprend que Lucy, en tournée de promo pour son dernier livre, va venir le voir. Elle n’a plus mis les pieds à Amgash depuis dix-sept ans.
Ce n’est pas tant une confrontation de classes sociales que propose Elizabeth Strout. Il est plutôt question de ce que l’on transporte avec soi. A travers les vies minuscules et souvent terribles qu’elle a imaginées, Strout nous donne à voir des gens qui font ce qu’ils peuvent.
Certains ont été englués par leur enfance, mais même ceux qui ont réussi à s’en sortir socialement se rendent compte que quelque chose d’eux est resté, pour toujours, cloué à Amgash.
Tout est possible (Fayard), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pierre Brévignon, 304 p., 19 €
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