Le trio international et parisien trouve un ton parfait : la chaleur glacée.
En 1995, on découvrait, dans les brumes du trip-hop, un monument massif, sombre, menaçant : le duo Earthling. Sur le très sous-estimé album Radar, une voix affolée, qui semblait dire qu’un iceberg avait atteint la Jamaïque, rappait : “I’m a book/A poem/By Leonard Cohen.” Pour cette façon de faire danser lascivement dans le noir, sur un fond de soul music réduite à l’état de squelette, on compara ces deux Anglais à Massive Attack. En 2016, les deux trajectoires continuent de vivre en parallèle. Massive Attack a depuis largement exploré le post-punk anglais par sa face la plus mélancolique
et verglacée. Sans Earthling, le chanteur Mau est devenu Maik, voix du trio cosmopolite Tristesse Contemporaine.
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Ne pas s’arrêter au nom, aussi laid finalement que Noir Désir par exemple. Mais se pencher avec volupté ou effroi, et souvent les deux à la fois, sur ces chansons qui dansent comme Ian Curtis : hallucinées. Les deux premiers albums du trio semblaient parfois appliqués, voire besogneux, mais la tâche auto-imposée était colossale : faire tenir des glaçons dans la fournaise. Il y avait fatalement des rebuts, des tentatives maladroites. Tristesse Contemporaine maîtrise aujourd’hui totalement sa recette très personnelle de l’omelette norvégienne, en feu à l’extérieur, cryogénisée à l’intérieur. De la cold-wave chaude, si on veut.
Une musique qui ordonne de danser
Certes, le trio s’amuse encore ici et là avec des tics eighties, comme la production abyssale des batteries dont Martin Hannett s’était fait le spécialiste. Mais plutôt que de penser uniquement à Joy Division, des merveilles absolues comme It Doesn’t Matter ou Stop and Start renvoient
plutôt vers un pan moins évident des jeunes années Factory Records, notamment le funk glacial et pourtant moite, joué en short, même dans les frimas de Manchester, par A Certain Ratio.
Car malgré son nom, malgré son son, Tristesse Contemporaine fait de la dance-music. Ce n’est pas DJ Snake mais cette musique ordonne de danser. Elle en veut à vos hanches, à vos fesses, à vos pieds. Et s’en
empare avec une autorité nouvelle, assumée, crâneuse. Le passé dépassé, Tristesse Contemporaine fonce ainsi dans son tunnel spatio-temporel, anticipe le disco du chaos à venir. Dans son club glauque, décadent et hédoniste, tout le monde devrait perdre
la boule. A facettes.
concert le 17 février à Paris
(Boule Noire)
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