La saison 1 explorait les abysses judiciaires US à travers une affaire de meurtre. La saison 2 reprend le cas sous un autre angle et réalise une radiographie glaçante du pays.
Juste avant Noël 2015 naissait l’une des séries documentaires les plus stupéfiantes. Elle allait placer Netflix sur la carte des diffuseurs qui comptent dans le genre si convoité du true crime (expression anglo-saxonne moins neutre que “faits divers”, sans équivalent en France), longtemps squattée par Canal+ – Soupçons – et HBO –The Jinx.
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L’histoire de Steven Avery a captivé parce qu’elle était plus ahurissante que n’importe quelle fiction. Condamné pour agression sexuelle et tentative de meurtre, cet homme d’origine modeste, originaire du Wisconsin, avait été libéré après dix-huit ans de prison suite à une expertise génétique en 2003.
Sauf qu’après deux années de liberté, il revenait sous les verrous, cette fois en compagnie de son neveu Brendan Dassey, pour l’assassinat de la photographe Teresa Halbach, survenu près de la casse automobile tenue par sa famille. Avery clamait son innocence.
Le procès à charge des white trash
La première saison racontait en dix épisodes troublants et haletants une plongée dans l’abîme du système judiciaire américain, où les partis pris grossiers de l’accusation et du ministère public donnaient l’impression d’assister dans les détails à une injustice coupant le souffle.
Pris dans les rets d’une structure implacable, les deux hommes semblaient payer à la fois l’affaire précédente, leurs têtes de coupables et leur statut white trash au niveau de vie simple et à l’imaginaire peu étendu au-delà des quelques dizaines de kilomètres en périphérie de leur lieu de naissance. Les réalisatrices Laura Ricciardi et Moira Demos filmaient les terres froides du Wisconsin comme les paysages d’un film d’horreur.
Après la diffusion de la série, il a été reproché aux créatrices de Making a Murderer un parti pris biaisé, un confort de justicières restant au chaud derrière leur caméra – après tout, les accusés ont été condamnés par un tribunal en bonne et due forme.
Les deux femmes ont l’intelligence de reprendre ces critiques dès le début de la deuxième saison, où les conséquences de la diffusion de la première sont abordées de front, extraits de journaux télé et interviews à la clé. Une série Netflix évoquant la force de frappe d’une série Netflix (elle-même) : dans le genre méta, difficile de faire mieux.
Une saison 2 construite autour de l’avocate Kathleen Zellner
Il fallait bien ce tour de passe-passe, car l’effet de stupéfaction généré par la première saison ne peut plus avoir lieu. Les affaires Avery et Dassey sont désormais scrutées, les ressorts dramatiques n’ont forcément pas la même ampleur.
Les quatre premiers épisodes – les seuls mis à disposition de la presse au moment où nous écrivons ces lignes – saisissent les événements là où nous les avions laissés : Steven Avery et Brendan Dassey croupissent en prison, en quête désespérée de décisions favorables.
La série repose maintenant largement – c’est aussi sa limite – sur la nouveauté qu’elle se montre capable de proposer, principalement incarnée par une avocate de Steven Avery, Kathleen Zellner.
Cette femme puissante et expérimentée aime les cas désespérés. Elle a, au cours de sa carrière, contribué à faire libérer dix-huit hommes condamnés à tort. Pour Steven Avery, elle incarne l’espoir de sortir du cauchemar.
Un pays et d’une démocratie instables se révèlent peu à peu
Pour Making a Murderer, elle devient celle qui détermine la capacité de la série à produire encore du récit. Très à l’aise devant la caméra, Kathleen Zellner reprend tout à zéro, retricote en quelque sorte l’affaire devant nous.
Moins qu’une suite, cette deuxième saison s’affirme dans ses pas comme une reprise de la première, depuis un nouvel angle. Cela donne un récit forcément plus laborieux, aussi laborieux que le réel quand il se montre à ce point têtu.
La série s’adapte à la stagnation qu’elle met en scène et mute déjà, passant subrepticement de l’autopsie d’un meurtre à la radiographie d’une société – les passages concernant la quête de célébrité font notamment froid dans le dos.
C’est l’image d’un pays et d’une démocratie instables qui se révèle peu à peu, comme dans une chambre noire. On a beau se dire que ce qui arrive ne peut pas arriver, c’est pourtant le cas. On a beau se dire que c’est incroyable, l’incroyable survient. Making a Murderer est la vraie série de l’époque Trump, sans jamais prononcer son nom.
Making a Murderer Saison 2 sur Netflix
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