Dans un Beyrouth anarchique, un jeune garçon est confronté à toutes les avanies. Malaisant et lourdement mélodramatique.
Dès son titre, « Capharnaüm » annonce un film fourre-tout. Plus que l’urbanisme anarchique de Beyrouth, son grand désordre se présente sous la forme d’un chapelet d’injustices : celles des enfants maltraités, des mariages forcés, de l’immigration, des sans-papiers, de la corruption et de la misère.
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Le corps support que Nadine Labaki choisit pour subir cette impressionnante somme de maux est pourtant bien frêle puisqu’il s’agit de celui de Zain, jeune garçon d’à peine 10 ans. Dans le désordre, il est emprisonné pour avoir donné un coup de couteau à l’homme qui a tué sa sœur, en procès contre ses parents pour “l’avoir mis au monde”, abandonné par la femme immigrée qui le recueille un temps, affamé en compagnie d’un bébé et exploité par à peu près tout le monde.
Cette disproportion entre la vulnérabilité de l’enfant et ce que le scénario et la mise en scène lui font endurer de malheurs a bien évidemment un but : générer de la pitié plutôt que de la pensée. Le désir de justice, qui est pourtant le seul qui aurait pu relier les différentes problématiques du film, n’est abordé que par le prisme du mélo. Au moment de la réception du film à Cannes, certains ont parlé d’un film néoréaliste. Que la frénésie de sa caméra à l’épaule et la crudité de son décor ne nous trompent pas, c’est exactement l’inverse. Nadine Labaki ne cesse de tordre le réel pour remplir le cahier des charges de son scénario, pour stimuler notre émotion à grands coups de violons et ainsi obtenir la fiole de larmes qu’elle demande que son spectateur lui verse avant de sortir de la salle. En plus d’être une prise en otage du public, le film profite également de la mise en danger de ses acteurs. Dans une scène, un bébé est placé au bord d’une route, il pleure et semble terrifié par les voitures qui passent à quelques mètres de lui. Au suspense rance du scénario – va-t-il se faire écraser ou pas ? – s’ajoute notre malaise face à une mise en scène qui joue sur le mauvais traitement de l’enfant.
A l’issue de la projection, on sera soit dégoûté d’avoir été victime d’une telle manipulation, soit ému et déculpabilisé par les émotions déversées pour ces malheureux, dans tous les cas usés par l’implication ou la résistance émotionnelle qu’exige le film. Ponctué d’un improbable happy-end, Capharnaüm est une spectacularisation de la misère dont les gros(siers) moyens ont rarement semblé aussi peu en adéquation avec l’aspect sociopolitique dont le film tend à se vêtir.
Capharnaüm de Nadine Labaki (Lib., Fra, 2018, 2 h 03)
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