Une nuit de noces se transforme en un cache-cache macabre dans un manoir gothique. « Wedding Nightmare » tente de marier cinéma d’horreur et comédie noire, mais se plante magistralement.
Cet été aura été placé sous le signe de l’horreur. Fin juillet, l’époustouflant Midsommar, du jeune prodige Ari Aster, déchargeait toute sa fureur formelle au gré d’une extase mi-morbide mi-dionysiaque sous le soleil de minuit. La semaine dernière, Scary Stories revisitait la série de romans d’épouvante d’Alvin Schwartz dans une adaptation appliquée, à défaut d’être convaincante. Et alors que l’horreur bien plus littérale de la rentrée s’apprête à terroriser quelques vacanciers tardifs, le calendrier des sorties s’offre une dernière salve d’épouvante estivale avec la sortie de Wedding Nightmare, en salles ce mercredi, film d’horreur low-budget signé Tyler Gillett et Matt Bettinelli-Olpin, duo de réalisateurs déjà à l’origine de quelques films du même calibre (666 Road, The Baby ou V/H/S). Loin de la terreur insidieuse et de la maestria formelle de Midsommar, ou de l’horreur folklorique et référencée de Scary Stories, Wedding Nightmare lorgne davantage vers la comédie horrifique, et pose son ambition modeste de pur divertissement – au vague sous-texte social – loin de celle de ses deux prédécesseurs.
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Cache-cache macabre
C’est peu soucieux de vraisemblance que se présente ce film volontairement surréel, à la trame gentiment débile. Greace (campée par l’actrice Samara Weaving, aux faux airs de Margot Robbie), vient d’épouser Alex Le Domas, riche héritier d’une famille ayant fait fortune dans les jeux de société. La cérémonie se déroule dans le manoir familial, tout à fait baroque, et alors que les jeunes mariés s’apprêtent à honorer leur nuit de noces, Alex explique à sa jeune épouse qu’ils devront d’abord observer une tradition ancestrale, en vigueur chez les Le Domas depuis des générations : une partie de jeu de société tiré au sort par la mariée, que cette dernière a plutôt intérêt à remporter. Aux douze coups de minuit, toute la famille – du beau-frère désabusé à la mère impénétrable en passant par la vieille tante creepy – se réunit dans un salon du manoir, et Greace pioche une carte au hasard. Aux visages inquiets qu’affichent les membres de la famille, le jeu tiré au sort par la jeune mariée, un cache-cache géant dans le château, semble particulièrement vicieux. Et pour cause, Greace devra se cacher dans le manoir, pendant que toute la famille se mettra à sa recherche. Petit détail : si Greace est trouvée, elle sera sauvagement exécutée par ses hôtes, qui s’arment de fusils de chasse, d’arbalètes ou de haches pour tenter de la débusquer. On s’amuse comme on peut chez les Le Domas.
Pour le meilleur et pour le rire ?
Commence alors une chasse à l’homme (à la femme en l’occurrence) dans les travées du manoir, et Greace ne tarde pas à comprendre que ce cache-cache macabre n’a rien d’un jeu. Sa méfiance vis-à-vis des riches et de leurs mœurs alambiqués était visiblement justifiée. Si tous les membres de la famille ne manifestent aucune pitié et sont prêts à tout pour honorer leur tradition interlope (dont la rupture pourrait leur être fatale), Alex, qui après tout n’a pas super envie de massacrer la femme qu’il vient d’épouser, finit par aider Greace à échapper à ses hôtes. Lorsque cette dernière lui demande, horrifiée, pourquoi il ne l’a pas prévenu des réjouissances qui l’attendaient, Alex répond avec une science de la déduction impressionnante : « parce que sinon tu serais partie ». Il y a en effet fort à parier qu’une jeune femme ne soit pas extrêmement emballée à l’idée de jouer à cache-cache avec une belle-famille qui tente de la massacrer.
De ce pitch délirant, qui aurait pu promettre quelques séquences croustillantes à défaut d’être intelligentes, les deux réalisateurs ne tirent pas grand-chose, pour ne pas dire rien du tout. Alors que son dispositif ludique et rigolard de slasher inversé – plusieurs tueurs et une seule cible – occasionnait trouvailles scénographiques et inventions formelles, Wedding Nightmare se contente d’une mise en scène mollassonne et enquille des jump scares si prévisibles qu’ils ne font même plus sursauter. Alors que son cadre baroque lointainement apparenté au giallo aurait pu convoquer l’empreinte formelle de grands esthètes de la violence grand-guignolesque – Dario Argento ou Lucio Fulci en ligne de mire – le film ne propose rien d’autre que l’exécution paresseuse de son cahier des charges trop transparent. Pas spécialement gore à quelques effusions d’hémoglobine près (certainement pour s’assurer l’adhésion d’un jeune public), Wedding Nightmare ne ravira pas même l’amateur de séries Z outrancièrement sanglantes, dont la violence exacerbée confine souvent à la parodie.
Cinéma forain
Ici la parodie est purement cosmétique, et le semblant de parabole sociale que le film essaye laborieusement de tisser en jouant la carte de la satire – une jeune femme de la classe moyenne qui découvre les mœurs interlopes d’ultra-riches – fait invariablement chou blanc. On pense inévitablement à Get Out – dans lequel un jeune homme noir passait un week-end hallucinatoire dans sa belle-famille parfaitement caucasienne -, qui en plus de parvenir à mêler film d’horreur et comédie grinçante avec un sens de l’équilibre funambule, développait un sous-texte social et racial percutant. Wedding Nightmare s’avère bien incapable d’en réitérer la formule.
Film d’horreur empruntant sa structure balisée et son high-concept au cinéma forain des mauvaises productions Blumhouse (Ouija, Happy Birthdead) doublé d’une comédie noire pas vraiment comique ni vraiment noire, Wedding Nightmare échoue sur toute la ligne, et réalise le prodige de nous plomber d’un mortel ennui malgré son format ramassé.
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