L’Anglais Simon Green, alias Bonobo, brouille les repères le temps d’un sixième album, à entendre comme la BO apaisante d’un monde en déliquescence.
Comprendre Migration nécessite de prendre la mesure de Simon Green, l’instrumentiste qui, depuis la fin des 90’s, a exploré l’electronica dans ses moindres recoins, laissé quelques traces indélébiles dans les oreilles d’une nouvelle génération de producteurs (Superpoze, Fakear), sublimé la
bande-son de nombreuses œuvres visuelles et renvoyé les partisans de la crise du disque à leurs chères études.
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Mais le plus étonnant, dans la carrière de celui que l’on surnomme Bonobo, c’est sa capacité à se renouveler avec un naturel étonnant, dont il semble extrêmement conscient : “Depuis toujours, l’objectif est de ne pas me répéter, dit-il avec le ton de ceux qui ont tout pour être fiers de leur parcours. A chacun de mes nouveaux albums, je cherche à me mettre en danger, à aller vers quelque chose que je ne connais pas et à faire en sorte d’être constamment à l’écoute de nouvelles musiques.”
Une collection de compositions sans âge
Migration rappelle ainsi l’ouverture d’esprit du producteur anglais, de même que celle de la ville qu’il a choisie pour résidence depuis quelques mois : Los Angeles. C’est là, au sein d’un quartier à l’est de la ville, où vivent également Machinedrum, Jon Hopkins et certains membres de Vampire Weekend, que Bonobo a posé les bases de son sixième album. Ce n’est
ni le L. A. des Bloods et des Crips, les gros gangs de la ville, ni celui des corps musclés de Monica Beach. A l’entendre, “c’est une petite communauté qui vit loin des clichés entretenus par les vedettes d’Hollywood. »
« Ici, poursuit-il, je suis dans le cœur créatif de la ville. Ça n’a rien à voir avec ce que j’ai pu vivre à Londres ou à New York. Et c’est sans doute ce qui donne cette couleur à l’album. Après tout, composer un disque à L. A. en 2016 est forcément différent d’en enregistrer un dans une maison de Londres au cours des années 2000.”
Migration n’a pourtant rien d’un album californien. Pas plus qu’il n’est, à
en croire son auteur, un album socialement engagé. C’est une collection
de compositions sans âge, élevées en liberté, qui racontent les paysages observés en tournée, les rencontres, les imprévus, le déplacement des cultures propre à notre époque.
“Migration n’a rien de revendicatif et ne fait pas référence aux politiques actuelles, précise Simon avec la timidité qui le caractérise. Je ne vois d’ailleurs pas comment je pourrais prôner un message avec une musique essentiellement instrumentale. Cela dit, indirectement, il reflète l’état du monde, le fait que l’on puisse avoir une influence sur la nature, et inversement. C’est un disque à entendre comme une collection de cultures.”
De ce travail presque ethnologique finalement, Bonobo ressort une fresque électronique élégante, jamais tapageuse, faite de ritournelles accrocheuses, de lyrisme et d’orchestrations qui doivent autant au jazz qu’au downtempo. A l’image de Migration et de Break apart (en duo avec Rhye), deux singles à très forte teneur en frissons et émotions. A l’image également de ces dix autres morceaux luxuriants mais fragiles, à la matière mouvante, qui incitent à regarder différemment les paysages qui nous entourent. A en contempler les mille recoins et à plonger dans un état de complète félicité.
album Migration (Ninja Tune)
concerts le 8 mars à Paris (Olympia), le 9 à Strasbourg, le 10 à Villeurbanne
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