Les X-Men projetés dans les années Reagan. Troisième volet de la “prélogie”, d’une rare laideur.
“Apocalypse”, rien que ça. C’est par ce sous-titre enflé que se conclut la “prélogie” X-Men (qui pourrait devenir tétralogie, entend-on), censée raconter la jeunesse des superhéros mutants portés pour la première fois à l’écran en 2000 par Bryan Singer.
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Si le genre est toujours guetté par l’emphase, ces deux derniers mois auront vu se succéder sur le ring les combats particulièrement dantesques entre Batman et Superman (Warner), Captain America et Iron Man (Disney) et donc, désormais, Pr Xavier et Magnéto (Fox) – à peu près pour la douzième fois, et sans que l’enjeu n’en soit changé d’un iota, puisqu’il s’agit encore de rejouer la vieille querelle entre Kant et Nietzsche, ou entre le mensch et l’übermensch.
Résultat des courses ? Singer (et la Fox) perd haut la main cette bataille printanière des comics, ravageant avec une ardeur incompréhensible toutes les bonnes idées amenées par les deux épisodes précédents. Coudre sur le revers de la grande histoire (Kennedy et les 60’s d’abord, Nixon et les 70’s ensuite) le destin d’une caste de surhommes en devenir (et encore un peu gauches) procurait en effet un certain plaisir.
Contexte fascinant mais stérile
Pour cette nouvelle installation, les scénaristes ont logiquement choisi 1983 : année de lancement du projet guerre des étoiles de Ronald Reagan, mais aussi (c’est moins connu) année qui faillit s’achever dans l’apocalypse nucléaire à cause d’une malencontreuse série d’incidents entre les Etats-Unis et l’URSS (comme une réplique de la crise des missiles cubains de 1962).
Or que fait Bryan Singer de ce fascinant contexte ? Rien, ou presque : quelques vagues signaux d’époque (genre un T-shirt Atari et une borne d’arcade Pac-Man), des gros plans sur les mines déconfites de généraux bunkérisés alors que leurs belles ogives sont détournées par un vilain dieu égyptien ressuscité (Oscar Isaac totalement neutralisé sous un immonde masque de latex).
Des tonnes de gravats numériques
Particulièrement abscons, le scénario ne semble avoir été écrit que pour placer un maximum de personnages, tandis que la direction artistique, d’une rare laideur, finit d’enterrer ce petit monde sous des tonnes de gravats numériques mal détourés. Une seule séquence fait exception : trois minutes clipées au son du Sweet Dreams d’Eurythmics, aux basques du supervéloce Vif-Argent, scène qui aurait nécessité à elle seule un mois et demi de tournage – on comprend où est passé le budget effets spéciaux…
1983, c’est aussi l’année où sortait Le Retour du Jedi. A la moitié du film, une poignée de personnages vont le voir et l’un d’eux lâche à la sortie : “L’épisode 3 est toujours le plus mauvais.” Bryan Singer imagine-t-il que faute avouée est à moitié pardonnée ? Jacky Goldberg
X-Men – Apocalypse de Bryan Singer (E.-U., 2016, 2h 23)
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