Portrait tout en tendresse de deux junkies sympathiques et un peu pieds nickelés de la banlieue de Rome.
C’est le septième et ultime film de Claudio Caligari (1948-2015), disparu pendant le montage. Caligari s’était fait connaître dans les années 1970-80, notamment avec Amore tossico, un film tourné avec des non-professionnels sur l’addiction à l’héroïne, devenu aujourd’hui assez culte chez les cinéphiles. Mauvaise graine a été terminé par son producteur, l’acteur Valerio Mastandrea (qui sera présent dans deux films sélectionnés à Cannes cette année).
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Il est également question de drogue dans Mauvaise graine, dont l’action se déroule en 1995 dans les faubourgs de Rome. Les deux personnages principaux, deux copains d’enfance prénommés Vittorio et Cesare, trafiquent et consomment un peu de tout pour faire la fête et de l’argent. Des cachets de toutes les couleurs qui portent de jolis noms : des “colombines”, des “playboys”, des “popeyes”, et même des “fraises” “qui font rire”, comme le dit Vittorio, qui leur mettent la tête à l’envers.
Les deux amis ne sont pas de mauvais bougres, mais ils sont pauvres, le sida a déjà tué la sœur de Cesare, sa nièce est séropositive, alors la drogue les aide à s’en sortir, du moins pendant un temps. C’est une des qualités du film que de ne pas juger ses personnages, que de nous mettre à leur place, en somme. Et puis Cesare et Vittorio sont deux bras cassés, comme dans les comédies italiennes des années 1960‑70, alors ils sont sympathiques, malgré leurs délires et leur violence soudaine.
Les petits hasards de la vie
Caligari se réclamait de Pasolini, et le fait que l’action se déroule sur les plages d’Ostie (où Pasolini a beaucoup traîné et été assassiné en 1975), dans cette banlieue balnéaire un peu glauque de Rome, le rappelle. Cela dit, Caligari filme assez classiquement, et on pense moins à du Pasolini qu’à une nouvelle version, cinquante ans après, des Vitelloni de Federico Fellini, ces glandeurs professionnels, même s’ils sont ici beaucoup plus prolétaires et dangereux que les “gros veaux” (ce qui signifie “vitelloni”, littéralement) de Fellini. C’est que Cesare et Vittorio ne manquent pas de charme, d’humour, de grâce à l’occasion.
Mauvaise graine est un film sur la déglingue, sur la rédemption, sur la chance et la malchance, sur ces petits hasards de la vie qui font qu’un être dans la misère va s’en sortir ou s’y enfoncer, sans qu’on sache pourquoi. Caligari manifeste de bout en bout une profonde tendresse pour ses personnages. Ses deux acteurs, Alessandro Borghi et surtout Luca Marinelli, sont remarquables. Jean-Baptiste Morain
Mauvaise graine de Claudio Caligari (It., 2015, 1 h 40)
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