Le portrait en coupe des Français dans leur diversité, captés dans un dispositif rigoureux mais vivant.
Après son travail photographique sur la France “oubliée” et son Journal de France signé avec Claudine Nougaret, Raymond Depardon poursuit son œuvre de photographe-cinéaste-archéologue-spéléologue dans les profondeurs et recoins de notre Hexagone. Après s’être intéressé aux vestiges visuels habillant le pays ces dernières décennies (devantures, enseignes…), Depardon a décidé d’incarner ces paysages en filmant leurs habitants.
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Le principe consiste à choisir deux personnes au hasard des villes et à les inviter à poursuivre leur conversation dans une caravane et devant une caméra – dispositif éminemment depardonien donnant lieu à une série de plans-séquences fixes où apparaissent les deux interlocuteurs de profil (dedans) et la vitre arrière de la caravane, cadre dans le cadre laissant apparaître la vie qui suit son cours. Voilà pour l’aspect théorique et formaliste du film dont l’autre pari était fondé sur l’incarnation : comment allaient se comporter les gens une fois placés dans le cocon inhabituel du petit studio ambulant improvisé-bricolé par Depardon ? Seraient-ils intimidés, muets ? Ou au contraire expansifs, surjouant leur personnage ?
Etonnamment, ni l’un ni l’autre. Qu’ils soient jeunes, vieux, bourgeois, prolos, père-fils, mère-fils, potes, amoureux ou copines, les “couples” qui défilent semblent tous converser naturellement, poursuivre leur discussion du jour, comme oublieux de la caméra et de l’artifice du dispositif. Cette alliance d’un concept simple et du réalisme le plus brut est typique de l’œuvre du cinéaste. Ajoutons ici une vue en coupe de la France qui travaille, qui chôme, qui galère, qui se débat dans ses problèmes quotidiens qu’ils soient d’ordre affectif, familial ou professionnel. A l’heure où tout le monde parle du “peuple”, Raymond Depardon l’écoute et l’observe en s’effaçant, recueille ses paroles et ses pensées pour en faire un beau sujet de cinéma.
Les Habitants de Raymond Depardon (Fr., 2015, 1 h 28)
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