Révélation live des Trans Musicales 2016, le songwriter zurichois signe un cinquième album “Sad & Horny” en collaboration avec un batteur jazzy.
Il y a deux mois, on découvrait Fai Baba avec un clip puis une session acoustique N&B de Nobody But You (à découvrir ci-dessous). Après l’avoir écouté une bonne dizaine de fois, cette déclaration d’amour aussi banale que troublante, nous guidait vers son nouvel album Sad and Horny, sorti fin novembre chez A Tree in a Field Records. Et c’est donc avec une vive impatience qu’on attendait l’Helvète et sa bande en concert au festival des Trans Musicales de Rennes. Après une prestation largement saluée par son public, nous avons rencontré le duo formé par Fabian Sigmund et Domi Chansorn.
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Fai Baba : un projet solo devenu duo
A seulement 30 ans, le prolifique Fabian Sigmund vient de signer son cinquième album sous l’étiquette Fai Baba. A la différence que pour ce disque, il s’est entouré de deux nouveaux musiciens aguerris (basse et clavier), et a enfin trouvé son alter-ego en la personne de Domi Chansorn. Ce batteur de jazz, originaire de l’Emmental (la région !), s’est immiscé dans sa petite entreprise solo, et l’a aiguillée dans la production et l’enregistrement de Sad and Horny, en complétant habilement l’univers de Fabian.
“Mon père écoutait beaucoup de rock à la maison, surtout des 60’s comme les Beatles et les Stones.”
Hyperactif dès son plus jeune âge (ce qui fait d’ailleurs l’objet du titre Don’t Belong Here), Fabian attaque la guitare précocement dans une école classique, instrument qu’il abandonnera vite, n’appréciant guère la rigueur exigée, à mille lieux de l’exubérance des disques de rock de son père et de la liberté de ses modèles du genre.
“Je suis aussi inspiré par John Lennon, il a vraiment écrit des chansons d’amour magnifiques et puissantes.”
A l’adolescence, Fabian découvre les joies de jouer dans son garage en fumant des joints avec les copains, il écoute aussi beaucoup de musique rock et de blues américain, enchaînant les formations aux noms aussi savants que Nautilus on Space Holiday, et entrevoie les portes de la perception, en écoutant son groupe de prédilection : The Doors. En 2008, le jeune adulte devient Fai Baba, tirant son nom d’un croisement entre son prénom (Fabian) et celui d’un maître spirituel indien (Sai Baba). Et il ne chôme pas, à raison de presque un album par an, le Suisse carbure en solo et signe successivement : Love Sikk (2010), Snake Snake (2012), She’s My Guru (2013) et enfin The Savage Dreamer (2014).
Un cinquième album s’inspirant de la B.O. d’un road movie
Au début de l’année 2016, il rencontre Domi, fraîchement arrivé dans la ville de Zurich. Domi joue à l’époque dans le groupe Everyone In Trouble et va partager l’affiche avec Fabian sur plusieurs dates. Il ne faut pas attendre bien longtemps avant que les deux ne traînent leurs bottes ensemble :
“On a joué 22 concerts sur des festivals d’été en 2016. Beaucoup en Allemagne, et juste nous deux sur scène. C’était une manière assez libre de faire de la musique : car je ne faisais que jouer de la guitare et chanter, et Domi lui s’affairait à la batterie. On ne répétait jamais !”
Consulté pour composer la bande originale d’un road movie, Fabian invite aussi Domi à lui donner un coup de main sur des prises de batterie. Fabian raconte :
“Le réalisateur m’a demandé d’écrire des chansons pour lui, et c’est ce que j’ai fait, des compositions très chill-out et posées. J’ai vraiment adoré composer cela, mais finalement il n’a pas retenu mon travail comme B.O. Je me suis donc retrouvé avec ces morceaux sur les bras, et je voulais vraiment les enregistrer.”
Fabian finit par mettre sur bandes ses morceaux et part mixer le tout à New York. En tout, ce sont neuf chansons qui sont mises en boîte, même si rien ne sortira au final. Pas découragé pour autant, six mois plus tard, Fabian revient avec de nouvelles compositions en poche, bien décidé à enregistrer son cinquième album, en compilant les titres du road-movie avec des nouveaux. Pour ce faire, il fait appel à son fidèle copain Domi, qui dispose d’un studio à Zurich :
“J’ai demandé à Domi, s’il voulait bien qu’on enregistre dans son studio. Et finalement, on a produit là-bas cette seconde partie du disque.”
En plus des nouvelles prises, il leur faut alors réenregistrer certaines chansons issues de la première session, ne serait-ce pour un souci d’homogénéité de l’album :
“On devait trouver un équilibre entre les deux sessions d’enregistrement car il y a des différences évidentes… mais quand on a rassemblé et mixé les chansons de l’album, au final, on ne s’en rend pas vraiment compte.”
« Sad & Horny » : un album mélangeant spontanéité jazz et énergie rock
Et si le chanteur et guitariste Fabian ne change pas son mode opératoire pour le second enregistrement, l’arrivée de Fabian précipite elle l’utilisation de nouveaux instruments dont la pédale d’effets Leslie (effet vibrato) et une vitalité jazz qui influence considérablement le travail du binôme :
“Avec mes musiciens précédents, on se comportait plus comme des groupes de rock adolescent, on se saoulait, et on jouait et puis c’était assez immature. Avec Domi, aujourd’hui c’est assez fort, on est très concentré quand on fait de la musique. Il fait aussi beaucoup de jazz, et dans ce domaine-là c’est plus instantané, ça se vit dans le moment. C’est vraiment un des trucs que j’apprécie le plus chez lui.”
Le titre de l’album et la pochette de Sad & Horny, retranscrivent d’ailleurs plutôt bien le processus inédit de composition de l’album pour Fai Baba : en binôme et en deux étapes. La pochette du disque en N&B assumant pleinement ce nouveau tandem, Domi et Fabian y posent fièrement comme deux dandy hipsters.
“La première session d’enregistrement est plus lente et les chansons sont mélo-dramatiques, très chilled. Et la seconde, celle que Domi a réalisée, il y a des chansons plus gaies, plus directes, plus rock’n’roll : c’est la partie Horny (rires). Et puis, on a invité ces gars-là à jouer avec nous [il montre ses musiciens allongés par terre en train de faire la sieste dans le salon réservés aux interviews des Trans Musicales]. Et ça a très bien marché. Et maintenant je veux jouer avec ces gars pour longtemps !”
Pour les 10 titres qui composent l’album, on retrouve ainsi un mélange tenace entre les deux personnalités du groupe, un musicien jazzy et un songwriter effronté… mais aussi entre ce folk rock exalté qu’on pourrait rapprocher des Canadiens de Timber Timbre et la pop dézinguée de l’américain Sparklehorse. D’ailleurs est-ce un heureux hasard si le titre de l’album Sad and Horny rime à merveille avec celui de Shade and Honey du défunt songwriter (Dreamt for light years in the belly of a mountain, 2006) ?
S’approchant de l’âge de la raison (comme le sous-entend le dernier titre du disque Straight Man), Fabian constate que la rencontre de Domi lui a permis de revoir sa copie en termes de composition :
“Certains des titres extraits de mes albums précédents pouvaient plus prendre la forme de fragments sonores ou d’essais que de chansons. Mais cet album-là, c’est celui qui a le plus de chansons individuelles, il y en a 10 bien distinctes. Je voulais vraiment faire un album avec des chansons fortes, que tu peux écouter séparément. Et pas un album avec une poignée de chansons et des interludes.”
Alternent ainsi des pistes au potentiel lacrymal certain comme la sublime Nobody but You, mais aussi Why Do I Feel So Alone, Straight Man ou encore Lucky (la partie “Sad”)… avec des déclarations plus tumultueuses telles que Can’t Get Over You, voire des breakups songs de vrai connard comme sur Fainted Love (I got no reason to miss you baby, no I don’t. You ain’t got no money and you ain’t got no soul) ou encore Geographical Tongue décrivant la pathologie buccale d’une ex-copine de Fabian (la partie “Horny”). Et c’est probablement The Master qui trahit l’influence majeure du jazz dans ce nouvel album, puisque Fabian y a convié sur ce titre, un saxophoniste et un batteur additionnels. Il revient sur cette collaboration :
« J’adore la façon dont jouent les musiciens jazz : il y croient vraiment. Pour cet album : c’était volontaire vraiment de bosser avec des artistes qui avaient plus un background jazzy. »
https://www.youtube.com/watch?v=LyU6J9LvDjw&t=7s
Une prestation saluée aux Trans Musicales 2016
Invité au festival des Trans Musicales au début du mois de décembre, le quatuor a inauguré les festivités dès 21h30 sur la scène du hall 3, autant dire que ce n’était pas une tâche évidente ! Avec seulement quelques degrés en salle, Fai Baba réussit pourtant la prouesse de réchauffer et faire vibrer nos esprits endoloris par le froid. Difficile de croire que ce n’est que leur quatrième collaboration en tant que groupe live, comme le confirme Fabian :
“Sur scène, tout le monde est libre, les chansons sont simples, les musiciens peuvent être créatifs et c’est ça qui fait notre groupe, il y a des choses qui peuvent se passer. (…) Maintenant je crois qu’on est vraiment un groupe, même si on en est juste au début et je ne sais pas où ça va nous mener…. On a encore beaucoup de boulot. Mais aujourd’hui c’est surtout une affaire de feeling. Et je le sens plutôt bien.”
Et bizarrement, nous aussi !
En tournée française : le 25 janvier au Supersonic (Paris), le 26/01 au Grand Mix (Tourcoing), le 27/01 au Plan (Ris Orangis), le 28/01 au Café Charbon (Nevers), le 29/01 au Camji (Niort), le 2 février au Bouillon (Orléans), le 3/02 au Transbordeur pour le festival Transfer (Lyon), le 4/02 au Brise Glace (Annecy), le 3 mars au Tilt Festival (Rennes) et le 4/03 au Paris Psych Festival au Trabendo (Paris).
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