Dans la capitale grecque, un club de football s’adresse exclusivement aux réfugiées. Créer du lien et redonner confiance à ces femmes vulnérables sont les plus beaux buts du Hestia FC.
En ce mercredi estival, une quinzaine de femmes ont enfilé leur tenue de sport pour venir répéter contrôles et passes, dribbles et tirs au but. Les ballons roulent et les sourires s’esquissent sur la pelouse du stade Tavros, situé le long de l’avenue qui relie le centre d’Athènes au Pirée. À quelques kilomètres du port où ces femmes ont débarqué pour la première fois dans la capitale grecque, fuyant la guerre ou la misère, c’est sur un terrain de football qu’elles reprennent goût à la vie.
“Un ballon peut changer le monde”
« Un ballon peut changer le monde et le Hestia FC œuvre en ce sens », lance fièrement Katerina Salta. En mars 2019, cette Grecque de 43 ans a créé le premier club de football du pays exclusivement réservé aux femmes réfugiées, dans le cadre d’un programme du Comité International Olympique.
Katerina n’a pas hésité quand la crise des réfugiés a commencé à l’été 2015. Un million de personnes débarquaient alors sur les îles grecques au péril de leurs vies. À Lesbos d’abord, à Idomeni ensuite, à la frontière avec la Macédoine du Nord, puis à Athènes, elle n’a eu de cesse de s’engager pour aider les exilés. Au sein de plusieurs organisations, de différentes façons. « J’ai décidé de me focaliser sur une équipe de football quand j’ai compris l’impact de ce sport sur les populations. Le football porte un message universel qui ne connaît pas de frontière », explique Katerina. Et pour cause : une dizaine de nationalités composent le Hestia FC. Du Nigéria au Tadjikistan, de l’Érythrée à la Syrie, du Yémen à la Somalie, des femmes aux origines et parcours personnels très différents portent désormais le même maillot dans la capitale grecque.
« L’objectif est triple : protéger, redonner confiance, et intégrer ces femmes à la société », détaille Katerina, toujours attentive au déroulement de l’entraînement. Elle poursuit : « Le football offre un cadre dans leurs quotidiens souvent chaotiques. Elles renouent du lien et trouvent un soutien psychologique ici ». D’où le nom de l’équipe, Hestia, qui signifie « foyer » en grec.
Une famille
« Le Hestia FC est une famille, abonde Juliette. Cette Camerounaise de 38 ans était violée et torturée par son partenaire de l’époque, menacée par son entourage. Elle a quitté son pays et rejoint la Grèce en 2017. Au début je ne pensais pas rester, c’était très difficile de s’acclimater, reprend la femme au physique robuste et aux mèches colorées. Mais grâce au foot je suis devenue une nouvelle personne. Je me sens femme et courageuse, je n’ai plus peur. »
Aller s’entraîner offre le prétexte idéal pour se déplacer seule, se familiariser avec Athènes et retrouver son indépendance. Certaines femmes vivent encore dans des camps de réfugiés et les deux entraînements hebdomadaires représentent une bouffée d’oxygène pour nombre d’entre elles. « Je me sens libre quand je suis ici », confie Shakiba entre deux exercices. La jeune femme de 21 ans a quitté l’Afghanistan avec ses parents « pour des raisons de sécurité ». « On voulait aller jusqu’en Allemagne mais moi je veux rester en Grèce, affirme cette brune aux yeux rieurs. Dans mon pays c’est difficile pour les femmes de jouer au foot. Ici je me suis fait des amies, ici j’ai une vie ».
L’avenir reste incertain pour la plupart des joueuses du Hestia FC. Si l’objectif était souvent de poursuivre l’exil vers d’autres pays d’Europe, elles sont désormais nombreuses à vouloir rester en Grèce grâce au football et au lien social qu’il crée. Car à l’instar de Juliette et Shakiba, plusieurs ont trouvé du travail à Athènes par des nouvelles connaissances.
Global Goals World Cup
Il s’agit désormais de structurer solidement l’équipe et les vies de ses joueuses pour que l’initiative soit bénéfique à long terme. Le chemin semble encore semé d’embûches. Invitée à participer à la Global Goals World Cup au printemps, l’équipe a dû se déplacer à Copenhague uniquement composée de bénévoles grecques. « Les filles n’ont pas de papiers pour sortir et entrer du pays légalement, certaines d’entre elles vivent dans des squats… Disons que ce serait super mais que ça n’est pas la priorité », résume Katerina Salta.
La prochaine édition se jouera à New York en septembre, au moment de l’Assemblée générale des Nations Unies. En attendant de savoir si les joueuses pourront elles-mêmes y participer, l’événement sera l’occasion d’attirer – à nouveau – l’attention de la communauté internationale sur le sort des réfugiés. Car l’intérêt médiatique et politique, très fort en 2015 et 2016, semble retombé. Près de 80.000 personnes attendent pourtant toujours en Grèce d’obtenir l’asile, selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (UNHCR).